1. La forêt


    Datte: 08/09/2018, Catégories: nonéro, aventure, fantastiqu, Auteur: Gaed, Source: Revebebe

    Résumé de cette dernière partie : Lorn poursuit son chemin le long du fleuve, ce long fleuve étrange et envoûtant. La vérité est proche.
    
    Est-ce mon dos qui se voûte ainsi ?
    
    Pourquoi donc ressens-je de la culpabilité ? J’ai tué bien des hommes, mais je ne me suis jamais laissé aller à la cruauté gratuite. Jamais je n’ai touché femme, enfant, vieillard. Les occasions n’ont hélas pas manqué. Pourquoi le nier ? J’ai parfois senti mon âme brûler, chacun a sa part sombre, mais je n’ai jamais cédé, jamais. La foi m’en a gardé. Pourtant, faire ou laisser faire, n’est-ce pas là le même crime ?
    
    Le regard vide de Sylène m’accompagne un long moment alors que j’avance avec prudence sur le sol rocailleux et glissant. Ce visage, ces traits, tout cela disparaîtra bientôt de ma mémoire, je le sais. Le sol lâche n’en finit pas de me tordre les chevilles. Le sentier de la veille qui longeait le sous-bois s’est progressivement amenuisé jusqu’à disparaître presque totalement. Le parcours est bien moins aisé et il me faut souvent marcher dans l’eau. Colymbres, selnes, vernes et tangines affaissent leurs branches touffues jusqu’à la surface ondulante. Des feuilles tantôt vertes, tantôt rousses, parfois bleues, en pointes, rondes ou crénelées, glissent le long du courant.
    
    Et puis, à nouveau, le chemin s’élargit et le trajet se fait plus facile au détour d’un bras d’eau qui bifurque vers le sud-ouest. C’est un lacet un peu plus prononcé que les précédents caprices du fleuve. Voilà qui va ...
    ... rompre la jolie monotonie de ce voyage. Las, elle a tôt fait de me rattraper. Derrière, c’est toujours la même perspective, des mêmes pierres blanches travaillées par le soleil et par le fleuve, ces mêmes rangées d’arbres qui se reflètent sur l’eau, encore et encore. L’âme humaine est ainsi faite qu’elle s’émerveille du beau et s’en lasse aussitôt. Mais bien que le paysage varie peu et que l’ennui me guette, je me raccroche à mon bâton, gage de liberté. Je le plante avec vigueur et j’aime les sons qu’il dégage lorsqu’il heurte la caillasse ou se plante dans la terre humide.
    
    Une journée s’écoule, puis bientôt une autre. Il m’a fallu m’arrêter pour pêcher. Le fleuve regorge de tant de poissons que c’est un jeu d’enfant d’en attraper, même à la main. Il en est certains que je n’ai jamais vus. Et leur goût ! Par Lazarre, je n’ai jamais rien savouré de tel. Je suis piètre cuisinier, mais il faudrait être bien maladroit pour louper de semblables présents. Après une bonne cuisson sur un feu de fortune, la chair fond dans la bouche et diffuse les parfums subtils de l’eau des ruisseaux et des fleuves.
    
    J’ai l’impression de revivre, une forme de bien-être que je n’ai pas ressentie depuis si longtemps que j’en avais oublié l’existence.
    
    Des souvenirs d’enfances, lointains, heureux, me traversent l’esprit. Des images fugaces comme un rayon de soleil couchant.
    
    Le fleuve me purifie, il me lave.
    
    Je me sens bien.
    
    Quelquefois des éclats de métal résonnent dans la vallée. Peut ...
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