La forêt
Datte: 08/09/2018,
Catégories:
nonéro,
aventure,
fantastiqu,
Auteur: Gaed, Source: Revebebe
... être l’écho lointain de la guerre. D’autres fois, c’est un tintement de cloche qui me fait lever la tête et puis plus rien. Des impressions, c’est tout. Ici l’eau est si claire, si pure, qu’on peut la boire sans crainte ; souvent, je me regarde la buvant à la surface de l’eau, à la dérobée, comme un voleur. Les visages vieillissent plus vite pendant les guerres ; le mien, je ne le connais plus, j’ai peur de le voir, peur de regarder mes propres yeux, peur d’observer mes mains. J’ai été moine avant d’être soldat ; de cette époque, je me rappelle l’entêtante odeur de pierre humide, des prières aussi. Et puis les chants, ce moment intense où nous mêlions nos voix, mes frères et moi, dans la rudesse solennelle de l’Orédrale et des peintures saintes des grands maîtres de Pale Ronda. Les atours de la religion, ils sont si séduisants, si envoûtants même qu’ils chassent les pensées impies et toute velléité de réflexion.
À nouveau, je m’arrête près du fleuve pour méditer et tremper mes mains dans l’eau. C’est la vérité que je tiens à l’intérieur de mes paumes jointes, la seule qui compte vraiment, celle de nos origines, celle de la matière. Alors que je me redresse à l’aide de mon bâton, je sens le mensonge d’une vie partir hors de moi.
J’ai la triste impression de n’avoir été qu’un soldat, que les armes ont été mon seul talent, j’ai ce sentiment de m’être perdu. C’est peut-être la nature tout autour de moi qui éclaire mon esprit, ce serait si simple de penser ...
... cela.
Pourtant, il y a eu un autre Lorn : pieux, croyant et précis dans ses actes, un cœur pur me semble-t-il. Le temps de l’apprentissage est déjà si loin que je l’ai effacé de ma mémoire. On dirait maintenant qu’il veut se réveiller, cet être frêle, au contact du fleuve, au gré de l’air doux qui me pousse vers l’ouest. Dans cet interminable voyage, je ne suis pas seul. Des images sans cesse effleurent mon esprit, des souvenirs noyés qui ne veulent pas mourir et qui me harcèlent comme pour me faire changer, pour m’obliger à voir les choses autrement. L’évolution de l’être est un état qu’on ne peut saisir, impalpable dans les spirales du temps, mais en ces instants de lente solitude, je sens mon âme toute entière goûter à une eau ancienne que je croyais perdue. Me voilà donc qui change et j’en déposerais presque mes armes au sol, mais il est trop tôt pour cela, bien trop tôt. La peur commande toujours à mes mains.
Alors que le jour décline, j’aperçois une forme au loin.
Non, plutôt deux.
Les contours se font plus nets au fur et à mesure que je m’approche : ombres ciselées, immobiles dans le soleil tombant. Un homme est assis là à côté de ce qui ressemble à un cheval.
Me regarde-t-il venir vers lui ?
Il serait bien aveugle s’il ne m’avait vu.
Une arme se détache de son flanc, peut-être une hache. C’est un soldat certainement.
Oui, il en a tout l’air.
Maintenant ce n’est plus une ombre, je le distingue clairement. Il porte une côte de maille lourde sur un plastron de ...