1. La forêt


    Datte: 08/09/2018, Catégories: nonéro, aventure, fantastiqu, Auteur: Gaed, Source: Revebebe

    ... m’exclamer.
    
    — C’est toi qui fais fausse route ! Rends-toi à l’évidence, tu vas vers l’ouest et, par Lazarre, je crois que tu ne peux pas être plus loin du pays d’Ac !
    
    Il lève les yeux au ciel comme si ce que je lui disais n’avait aucun sens et tranche d’un air énigmatique :
    
    — Décidément, c’est une fâcheuse habitude que de se perdre par ici.
    — Que veux-tu dire ?
    — Eh bien, j’ai croisé deux hommes hier à la veillée. Ils voyageaient à cheval, l’un d’eux était salement blessé au visage
    — Au visage ?
    — Oui, le pauvre n’avait pas fière allure. Eh bien, figure-toi que ces deux bougres se rendaient vers Sarlane ! Sarlane ! Il lève les bras au ciel : c’est à n’y rien comprendre, vraiment ! Ils étaient encore plus perdus que toi. J’ai bien essayé de les avertir, mais ils n’ont rien voulu entendre ! Ils ont même ri de moi, les malheureux ! Ils pensaient, eux aussi, que c’était moi qui m’étais égaré. Tout de même, se perdre d’autant de miles, il faut en avoir de la suite dans les idées. C’est à se demander comment vous avez pu la gagner cette fichue guerre avec un pareil sens de l’orientation !
    
    Il crache son rire gras en se tenant le ventre et reprend :
    
    — Enfin, que veux-tu, je n’ai pas insisté tout comme je ne le ferai pas avec toi. Sache simplement que tu devrais rebrousser chemin, tu ne trouveras point d’océan par ici. Mais si tu t’obstines, je te souhaite quand même bonne chance, conclut-il en se levant.
    
    Je le regarde se diriger mollement vers sa monture, ...
    ... prendre appui sur la selle, grimper sur le dos de la bête. Le geste est lent, poussif.
    
    Quelque chose ne va pas.
    
    Quelque chose qui attire mon regard.
    
    Là, au bas de son dos.
    
    Sa cuirasse est perforée, la côte de maille fendue. La toile de sa chemise dévoile une large plaie rouge. Mes yeux se rivent à la blessure. Je le revois m’exhiber fièrement son entaille au ventre, Un coup de chance ! Ma panse est grasse, l’attaque de l’agresseur peu motivée. On ne peut s’y tromper, les deux blessures sont symétriques. L’homme a été transpercé dans sa largeur… Il ne peut avoir survécu à cela, c’est impossible.
    
    La découverte me glace d’effroi et mes lèvres restent murées lorsque d’un dernier signe de main, il me salue et reprend sa route.
    
    Mais vers où ?
    
    Le pays d’Ac ? Sarlane ? Karr ?
    
    Le grand océan de Fondvert ?
    
    Qu’en sais-je ? Quelle est cette folie ? Quel est cet endroit de dément ?
    
    La compréhension est une chose complexe et étrange.
    
    Chaque parcelle de vérité s’assemble avec une autre, petit à petit, jusqu’à ce que les bribes fassent un tout et que ce tout nous éclaire. Souvent, cette compréhension se voile sous l’effet d’une colère, d’un espoir, d’un malheur. La lumière est là pourtant qui nous tend les bras. Las, les passions nous en éloignent immanquablement et la vérité de l’esprit est bien souvent l’ennemie de celle du cœur.
    
    Immobile, assis près du fleuve, longtemps après que l’homme soit parti, les images des derniers jours me reviennent.
    
    Dis-m’en ...
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