La forêt
Datte: 08/09/2018,
Catégories:
nonéro,
aventure,
fantastiqu,
Auteur: Gaed, Source: Revebebe
... l’imaginait pas venir nous prendre si vite, si tôt.
Odeur de cendre, il va falloir relancer le feu.
— Tu sais, bien des soldats ont fui le combat, nous ne sommes pas les seuls. Pour des hommes comme nous qui avons livré bien des combats, l’heure de se retirer est venue. J’étais de la campagne de Telm, celle de Kaem aussi, j’ai passé de longs mois aux forteresses de Laendo avant qu’elles ne tombent.
Laendo ?
Les images du siège me reviennent en mémoire, j’y étais moi aussi. Les femmes nous lançaient le corps froid des nourrissons qui périssaient faute de vivres. Cela avait duré toute la saison blanche, glaciale, interminable. Quand enfin, nous étions entrés dans la ville, il ne restait ni enfants, ni vieillards, juste une cohorte d’ombres faméliques. Et des charniers ici et là, que les mains affaiblies n’arrivaient même plus à enflammer. J’avais recouvert mon nez d’un morceau de tissu, comme les autres, et tous, nous étions entrés dans un royaume putride. La majeur partie des habitants étaient morts, certains avaient fui, par quelques passages dangereux et souterrains que nous découvririons plus tard, écœurés en découvrant nombres cadavres prisonniers des eaux stagnantes, tous ces corps enchevêtrés le long de grilles rouillées.
La lourde voix me tire de mes souvenirs :
— Chaque homme, même le plus fervent des moines, a ses limites. Les miennes sont atteintes et bien atteintes même.
— Et alors, que comptes-tu faire maintenant ?
— Je ne peux rentrer chez ...
... moi, on aurait tôt fait de me repérer et de me dénoncer. La guerre sera bientôt terminée. Nous autres, hommes d’Elvin, avons déjà perdu, bientôt les dernières tours de guet céderont et l’Est, le grand Est sera à vous. Vois-tu, la marque sur mon front est indélébile et elle attire bien des regards. Et puis, je n’ai pas de famille, juste quelques relations de voisinage. Mais le voisinage, mon ami, en ces sombres temps, vaut ce qu’il vaut ! Je ne tiens pas à finir sous les instruments de vos… Comment les nommez-vous déjà ? Ah oui ! Guérisseurs ! Les guérisseurs de l’âme ! Enfin, pour répondre à ta question, sache que je me dirige vers les forêts d’Eblonde, après le pays d’Ac. Ne me demande pas pourquoi je m’y rends, il me semble que je l’ignore, moi-même. Il y a des bois là bas, des bois, des rivières et du calme.
Je le regarde fixement. Cet homme n’a pourtant point l’air d’un dément. Alors pourquoi vient-il se perdre par ici ? Il fait fausse route. Le pays d’Ac est à des miles et des miles, après la grande cité de Savernes, au nord des monts de Cale.
— Et toi ?
— Moi ?
— Oui, toi, où vas-tu ?
— Vers l’océan.
— Quel océan ? Il me fixe d’un air étonné.
— Le grand océan de Fondvert.
— Fondvert ! Il laisse échapper son rire énorme. Mais mon pauvre, tu t’es égaré ! Et ce n’est rien de le dire. Allons ! Tu te moques ! Dis-moi où tu vas !
— Je viens de te le dire.
— Mais enfin, ce n’est pas par ici. Si tu suis le fleuve, tu vas vers le Nord !
C’est à mon tour de ...