1. La forêt


    Datte: 08/09/2018, Catégories: nonéro, aventure, fantastiqu, Auteur: Gaed, Source: Revebebe

    ... silencieux plutôt que l’ignorant.
    
    — C’est grande chance, alors, rigole-t-il.
    
    J’étire mes jambes en soupirant. Définitivement je n’aime pas cet homme.
    
    — Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle.
    — Eh bien, ce qu’il y a de drôle, vois-tu, c’est qu’elle n’a jamais existé, cette bataille ! Je voulais juste voir si tu étais l’un de ces roublards qui se disent soldats et qui ne sont en vérité que de vils poltrons ou pire de sombres coupe-gorges !
    — Tu es bien méfiant, gageons que cela te sauvera la vie, ce serait bien triste sinon.
    
    Il me fixe sans répondre, une vague indifférence voilant son regard. Puis il sourit et pointe ma blessure du doigt.
    
    — Tu étais de la bataille de la vallée, non ? Allons, ne me mens pas, c’est une blessure encore fraîche.
    — Oui, j’y étais.
    — Pointe d’épée, carreau d’arbalète ?
    — Un carreau, oui.
    — Eh bien, moi, c’était une épée, dit-il en se tenant le ventre, un coup de chance ! Ma panse est grasse, l’attaque de l’agresseur peu motivée, je me suis laissé tomber et lui ai cédé la victoire à ce chien. Vois-tu, je me suis dis que c’était le moment, le moment de partir.
    
    Il m’adresse un clin d’œil complice.
    
    — Je comprends oui. Ma voix est comme un murmure.
    — Un peu que tu comprends oui !
    
    Je reste silencieux.
    
    — Allons, ne fais pas cette tête, la lâcheté nous rassemble et puis à la fin, n’avons-nous pas eu notre part de courage ?
    — Tu ne m’as pas dit ton nom, parviens-je simplement à répondre.
    — Faël, répond-il en passant une ...
    ... main dans son épaisse tignasse.
    
    Faël, Faël… c’est plutôt un nom de l’est. Mon regard accroche quelque chose sur son visage, là, en-dessous des mèches de cheveux sur son front. Il surprend mon attention.
    
    — C’est ça que tu regardes ? demande-t-il en tirant sa chevelure vers l’arrière.
    
    La marque, la marque des hommes d’Elvin. Quatre points disposés en losange et, au centre du losange, un autre point. Elvin et ses quatre fils.
    
    — N’aie crainte, j’ai vu ton signe aussi, nous avons été ennemis longtemps sans le savoir, il sourit, mais la guerre n’a pas cours dans cette vallée… Mettons que cela soit notre trêve !
    
    Il crache par terre comme pour entériner un pacte secret.
    
    — Regarde cette barbe, continue-t-il, regarde comme elle est longue, elle a cinq ans, il tire dessus avec force, aussi puante et sale que sa mère, la guerre.
    
    Et le voilà qui crache à nouveau sur le sol :
    
    — Non, non, non, tout ça est bien fini, j’ai eu mon compte et c’est miracle que je sois encore vivant. Si Dieu est juste, et le mien l’est certainement, il ne me punira point, il sait tout ce que j’ai fait.
    
    Il rit.
    
    Qu’est-ce qui me sépare de cet homme ?
    
    Nous parlons la même langue, celle des clans qui composaient un royaume autrefois unifié. Nous sommes sales, fourbus, nos mains sont souillées du sang des trépassés. Nos âmes, nos rêves, sont chargés des cris des batailles, notre peau même exhale encore l’odeur de la mort. Notre regard est voilé, empreint d’une vieillesse naissante. On ne ...
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