La forêt
Datte: 08/09/2018,
Catégories:
nonéro,
aventure,
fantastiqu,
Auteur: Gaed, Source: Revebebe
... portait l’étendard de son camp et arrivait sur le champ de bataille avant les troupes. Les deux hommes s’affrontaient alors et celui qui restait plantait étendard sur le sol, la tête de l’ennemi embrochée sur son pic. Les sorciers y voyaient là présage, mauvais ou bon, et assurément le clan vainqueur y puisait de nouvelles forces ; la vision des couleurs adverses maculées du sang de l’ennemi, flottant sous le vent, ayant un effet incroyable sur les hommes. Avec le temps et la fin des guerres de clans, la tradition a disparu et seul le bruit lourd de mes bottes sur le sol ravive ces réminiscences d’une autre époque. La marche – l’effort en général – et le sommeil ont ceci en commun de porter nos esprits vers de curieux horizons, et je me demande alors si je suis en train de dormir ou de courir en ce moment même.
Enfin, j’arrive à mon point de départ. Le sentier est là, débouchant de la forêt. J’aperçois les cinq bouts de bois que j’ai plantés – quelques jours ? – plus tôt. Voilà qui freine ma course. Je m’arrête. Observe un long moment les bâtonnets. Je m’assieds. Le souffle court soudain. La pierre est chaude dans ma main. J’ai besoin de me reposer. La pierre est là, dans ma paume, rassurante, pure.
Des images.
Les éclats du combat.
Les guerriers, les moines, les maîtres en débâcle.
Des deux côtés, un massacre complet. Jamais je n’ai vu telle barbarie. De part et d’autre des collines de Seërn et de Lyda, des milliers et des milliers d’hommes ont rugi. Tous, ...
... nous avons regardé droit devant nous, grisés par le nombre. Je n’avais jamais vu tant de soldats. Le soleil baignait les armures, le pic des lances et les larges lames. L’herbe sous nos pieds était grasse et verte. Ce n’était pas, loin de là, la première bataille à laquelle je prenais part, mais celle-ci – je le ressentais dans ma chair – avait quelque chose de particulier, quelque chose d’important et de cruel.
Le calme s’est posé sur la plaine et puis les maîtres ont donné de la voix, bientôt relayés par les lourds tambours de peau et le chant des moines. Les étendards se sont dressés, des couleurs ont fleuri un peu partout sur les collines. Et les hommes ont rugi. Toutes ces voix n’en ont formé qu’une seule, un interminable cri de colère et de défi, et je me suis surpris à hurler avec les autres, malgré la peur, malgré l’étrange sentiment qui couvait en moi. Nos pieds ont frappé le sol comme un seul.
Alors, toutes les troupes ont couru, couru encore, les pas se sont calés les uns sur les autres, ceux de devant, ceux des hommes les plus forts et les plus stupides qui menaient la charge. J’ai couru, moi aussi, comme tous, en éructant un tas de mots incohérents. Nous avions le soleil dans les yeux, un bien sombre désavantage. La peur me nouait le ventre.
Le silence.
D’un coup les souffles se sont mêlés, le temps s’est arrêté comme pour contempler la chose et tout s’est figé autour de nous. Les deux charges se sont ramassées sur elles-mêmes dans un fracas de métal. Je ...