Les dieux sont tombés sur l'athlète - Histoires de Sexe

Les dieux sont tombés sur l'athlète

... jugea qu’elle faisait en l’occurrence un énorme effort pour la planète. Il est bien dommage qu’à cette heure nocturne, personne n’ait pu en profiter, mais l’heureux dieu somnambule qui eût par chance ou miracle été le témoin de ce charmant spectacle n’en eût probablement jamais retrouvé le sommeil de la nuit.

Elle parcourut le chemin jusqu’aux valves, et y punaisa son avis entre les menus du jour au restaurant, décomposés en choix respectant les multiples interdits alimentaires des divinités clientes, les éphémérides des différents cultes, et les petites annonces diverses, aux sous-entendus parfois aussi transparents que sa tenue nocturne. Elle marqua trois pas de recul, et se convainquit que la convocation panthéiste qu’elle annonçait pour le lendemain, au coucher du soleil, était bien visible.

***

Il y eut foule au rendez-vous. Pas un dieu, ou presque, ne manquait à l’appel ; même les plus farouches étaient présents, voilés derrière les rideaux. Seul le Bouddha boudait. Quant à Belzébuth, au diable la politesse, personne n’avait jugé bon de le prévenir. Olympe avait une longue expérience des grands rendez-vous, mais celui-ci restait intimidant. Elle prit une longue inspiration, s’éclaircit la voix, et s’avança vers le micro.

— Chers dieux, chers amis…

Le brouhaha finit par se dissiper. L’écho du Larsen aussi.

— Merci de votre présence. Vous m’avez accueillie ici avec générosité. J’en suis reconnaissante et très flattée. Mais j’ai beaucoup réfléchi, et je ...

... suis arrivée à la conclusion que je ne suis pas ici à ma place. Aussi, sans que ceci ne soit dû à vous, et en dépit de l’affection sincère que je vous porte, je crois le moment venu de vous faire mes adieux, et de retourner à ma condition de simple mortelle.

Aussitôt, le patio fut envahi par des lamentations, des cris de déception et des prières.

— Mais c’est du jamais vu ! Une mortelle qui s’incarne de si jolie façon parmi les dieux pour leur révéler son mystère, avant de rejoindre bientôt sa place dans le bas-monde !
— Tu peux pas nous faire ça ! Nous priver de ta présence ! On s’attache, qu’est-ce que tu crois ? Comment on va faire, sans toi ?
— T’es pas bien ici ? En sécurité ? À l’abri des humains, de leurs conflits ? Des rides, de la ménopause ? De tous les salopards qui traînent, en bas ? À commencer par les pires, les athées !

Olympe ne se déroba pas.

— Eh bien je suis contente que tu en parles, Zeus, parce que tu vois, en toute honnêteté, et au risque de subir tes foudres, la seule communauté que j’aurais un peu de légitimité à représenter ici, c’est la leur. Vous n’êtes pas seulement tombés sur l’athlète. Vous êtes aussi tombés sur l’athée.
— Comment ? Toi ? Mais c’est pas possible ! Tu nous hais à ce point-là ?
— Au contraire ! J’ai appris à vous apprécier, avec vos qualités et – oserais-je le dire ? – vos petits défauts. J’ai les miens aussi. Mais l’hypocrisie n’en fait pas partie. Vous allez beaucoup me manquer. Vraiment. Je ne vous quitterai pas ...