1. Les dieux sont tombés sur l'athlète


    Datte: 23/04/2023, Catégories: fh, sauna, hotel, délire, Humour aventure, fantastiqu, Auteur: Amarcord, Source: Revebebe

    ... scandale ridicule que déclencha cette victoire aux championnats du monde, quand elle effectua son tour d’honneur sans s’envelopper préalablement du drapeau national, ce désormais lieu commun de la célébration athlétique. Elle n’y avait tout simplement pas pensé, ou bien personne n’avait été à portée pour le lui tendre, enfin, peu importe. Mais cela suffit à déclencher la polémique, non pas pour ce qu’elle avait fait, et en l’occurrence accompli, mais pour ce qu’elle avait omis, pour la simple distraction qui l’avait empêchée d’afficher ostensiblement un patriotisme pourtant réel, sans qu’il dût se parer des fantasmes textiles des autres.
    
    Elle était glorieuse, Olympe, elle était belle et française, elle était black et beur à la fois, et elle refusait d’être érigée en symbole, quel qu’il soit. Être un porte-drapeau, décidément, non merci. Mais fallait pas non plus qu’on l’emmerde. La polémique, elle la laissait courir, sachant trop bien que celle-ci ne disposerait jamais des moyens de la rattraper. Elle refusa de se justifier, déclina les propositions d’en débattre face à l’inévitable polémiste contempteur de la décadence française, trop content de trouver de quoi alimenter son diagnostic du mirage multiculturel, et elle le fit sans agressivité aucune : avec son sourire désarmant.
    
    Elle était fine mouche, malicieuse et têtue, Olympe. Joueuse aussi : on ne gagne rien sans prendre de risques, avait-elle coutume de dire. Alors, des risques, elle en prit, à commencer par ...
    ... celui de déplaire, mais en les calculant avec intelligence. Jamais plus elle ne parcourut de tour d’honneur sans le fameux drapeau tricolore, même si elle avait fini par trouver cette habitude plutôt puérile à force d’être mécanique. Mais aux championnats d’Europe, elle y ajouta la bannière européenne, à la grande joie du public berlinois. C’était cette fois inattaquable, mais on lui posa toutefois la question de ce choix. Elle se dit alors passionnément française et résolument européenne. Elle ajouta que l’Europe avait ses défauts, mais que si personne ne la portait avec exigence et fierté, si on ne la défendait que du bout des lèvres et sans enthousiasme, il ne faudrait pas s’étonner de voir fleurir bientôt d’autres Brexit. Certains la trouvèrent alors prétentieuse, d’autres voulurent y lire ce message : dans son patriotisme tricolore, le bleu n’était pas très Marine. Elle laissait dire, en haussant ses jolies épaules, ne calculait pas ses gestes, mais ne cherchait pas non plus une tribune. Et elle courait, toujours plus rapide et toujours plus libre.
    
    Et puis il y eut l’apothéose, l’ultime médaille olympique et l’adieu à la compétition. Ce jour-là, elle se couvrit à la fois du drapeau français, et de celui, universel, des anneaux entrelacés, faisant coïncider son prénom et la légende.
    
    Ce prénom, elle l’assumait en beauté, tout en décourageant toute tentative d’y voir un signe du destin. Parce que bien entendu, tout reporter ou hôte detalk-show ne pouvait jamais s’empêcher ...
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