1. Les dieux sont tombés sur l'athlète


    Datte: 23/04/2023, Catégories: fh, sauna, hotel, délire, Humour aventure, fantastiqu, Auteur: Amarcord, Source: Revebebe

    ... attribuant les traits et les humeurs qui leur plaisent, y compris les plus improbables, les faisant naître ou disparaître, et même ressusciter si cela peut servir la plume du démiurge ou amuser son imagination capricieuse. Avec un peu de chance, l’un d’entre eux finira peut-être par m’offrir un rôle de gentil.
    — Vous semblez ne rien prendre au tragique.
    — C’est peut-être la seule qualité que je revendique. J’aime rire, même si c’est parfois aux larmes. J’ai dans ces moments-là l’impression d’être un bon petit diable, voyez-vous.
    — Dans ces moments-là seulement ?
    — Je me suis résigné. Il faut bien une figure tutélaire pour tous les humains, même pour les monstres. Je remplis mon office. On me confond avec le mal, on m’en attribue la charge. Et elle est lourde à porter, croyez-le bien. Le seul qui me comprend et m’apprécie, ici, c’est Jésus. On s’aime bien, tous les deux. Faut dire qu’il aime tout le monde, lui, il ne peut pas s’en empêcher. Et c’est difficile de ne pas l’aimer en retour.
    — Qu’est-ce qui vous réunit ?
    — Il se décrit comme l’agneau qui enlève tous les péchés du monde. Je suis le loup qui les endosse. Il faut bien que quelqu’un se charge du sale boulot.
    — Alors c’est un sacrifice ? Vous n’y prenez pas de plaisir, comme on le prétend ?
    — Du plaisir ? Du plaisir à ingurgiter ces millénaires d’horreurs accumulées ? On n’en voit pas la fin, il se trouve toujours d’autres esprits malades pour infliger d’autres souffrances, inventer de nouvelles abjections. ...
    ... Alors non, on n’y prend aucun plaisir, on se sent coupable d’être celui qui les inspire, bien malgré lui. Et on s’abrutit, avec ce qu’on trouve. Pour certains, ce pourrait être l’alcool. Pour moi c’est le travail, celui qui rôtit mon corps, anesthésie mes nerfs, brûle mes souvenirs en me purifiant, dans cette solitude choisie de la chaudière.
    — Un choix ? En êtes-vous si sûr ?
    — Il vient un moment où l’on craint d’être contagieux, alors on s’isole. Suis-je coupable ? Je suis en tout cas impuissant à arrêter le massacre, et c’est suffisant. Ah, si les âmes damnées s’étaient données pour maîtresse une déesse pareille à vous, peut-être l’une ou l’autre auraient-elles pu être touchées par la grâce, qui sait ? Mais l’hypothèse est absurde, c’est bien moi qu’elles ont formé à leur image. C’est donc que je ne suis pas si innocent. Le seul plaisir que je m’accorde, je le trouve en ce lieu précis. Il n’a jamais été si doux qu’aujourd’hui. Jamais.
    
    L’ange maudit se redressa, saisit le faisceau de branches de bouleau plongé dans le seau d’eau bénite brûlante, et se mit à se flageller le dos.
    
    Il ne la vit pas se lever. Il ne l’entendit pas s’approcher à tous petits pas, jamais elle n’avait été si lente, la gazelle.
    
    Mais il perçut aussitôt le contact de la main féminine qui freinait son bras, le forçant à lâcher prise et abandonner le fagot. Il la sentit caresser avec douceur ce dos déjà rougi par le fléau. Il la vit le contourner, le frôler, coller sa peau nue contre la sienne. ...
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