Les dieux sont tombés sur l'athlète - Histoires de Sexe

Les dieux sont tombés sur l'athlète

... ce silence si épais.

— Je suis Olympe. On ne se connaît pas encore. Mais il n’est pas difficile de deviner que vous êtes ici chez vous. Pardonnez mon audace, mais vous êtes beau comme un dieu. Le plus miraculeusement beau de tous, sans le moindre doute.

Il laissa s’écouler un long moment avant de répondre, tout en lui adressa un sourire un peu mélancolique. Tiens, un romantique se dit-elle. Ça ne courait pas les couloirs, ici. À condition que ce ne soit pas une pose, ce n’était pas pour lui déplaire. Et puis en fait de pose, celle qu’il avait adoptée sur la banquette révélait une plastique appétissante et des dispositions très prometteuses.

— Je suis troublé. Vos compliments me touchent, mais mon apparence est bien pâle face à la vôtre. Votre beauté à vous est renversante, Olympe. Douce et brûlante à la fois. Bien plus intense encore que ce que prétendait la rumeur parvenue jusqu’à moi. Et si je n’avais pas eu jusqu’à cet instant le délicieux privilège de vous découvrir, et de quelle façon, c’est que je me fais rare à cet étage. Je suis un peu frileux. Un peu en froid avec les autres, aussi, c’est vrai. Mais on me tolère au sauna. Sa température me convient. Mon nom est Belzébuth.

Cette fois, c’est elle qui fut traversée par un frisson. Incapable désormais de prononcer une parole. Mais elle se promit de soutenir son regard, presque étonnée de n’y trouver aucune trace de cruauté.

— Ne soyez pas embarrassée, et n’ayez crainte. J’ai l’habitude de cette réaction. ...

... On m’associe aux flammes, et pourtant mon nom glace le sang. Je le comprends.
— Je ne vous imaginais pas comme ça…

Cette fois, il se mit à rire de bon cœur. Un rire léger, ironique, et pas démoniaque pour un sou.

— Vous vous attendiez à me découvrir en bouc, puant, le poil noir et la barbiche en bataille, dressé tout rougeoyant sur mes sabots et appuyé sur ma fourche ? C’est effectivement de la sorte que m’ont façonné d’innombrables générations de prélats un peu naïfs. Que voulez-vous, il fallait bien édifier leurs ouailles, pour qu’elles suivent le droit chemin, sans tomber dans le précipice du péché. Finalement, je n’ai jamais été l’ennemi des hommes du culte. Tout au plus leur chien de berger.
— Mais votre apparence…
— Elle a bien progressé, je le reconnais. Elle doit beaucoup au talent de vos meilleurs écrivains. Ils fuyaient les clichés faciles, et ils avaient bien raison, mais ils ne fuyaient pas les mythes. C’est d’ailleurs impossible, ils sont trop puissants, trop enracinés dans l’âme collective. Alors, s’ils ont décrit la mienne comme plus noire que jamais, ils m’ont aussi prêté…
— … la beauté du diable.

Il se contenta pour acquiescer de hausser les épaules, en formant de ses lèvres une grimace d’impuissance un peu cocasse et moqueuse, presque complice.

— Vous savez, on surestime le pouvoir des dieux, et on ne prête pas assez attention à celui des écrivains. Ils sont bien davantage capables de façonner à leur guise le destin de leurs personnages, leur ...