Derrière la pluie
Datte: 26/08/2018,
Catégories:
nonéro,
Auteur: Gaed, Source: Revebebe
... sa perception réelle, c’était différent de ce qu’il avait connu avant.
Il chuta, chuta encore dans une nuit sans âge. Et il n’y avait ni relief, ni espoir, ni lune rousse, ni clémence. Ses bras étaient des ailes de plomb, son corps lui semblait lesté de métal. Pas vraiment désagréable, pas courant pour le moins.
Il leva la tête, entrevit une faible lumière, quelque chose de rouge, quelque chose qui lui sembla son âme.
Il s’éveilla sur le carrelage froid de la salle de bain.
En appui sur ses mains, son corps se hissa lentement. La tête lui tournait légèrement, une vague nausée grevant son équilibre. Il chercha à se tenir droit sans vraiment y parvenir.
Quelque chose n’allait pas.
La lumière était allumée et n’aurait pas dû l’être. Au dessus du néon le caméscope avait disparu. Il plissa les yeux, tourna lentement la tête à gauche, puis à droite. Des formes se dessinèrent dans la lumière crue, une puis une autre, cela devint une femme puis une autre. Sa vision se troubla, rien n’était clair ni tangible. Il percevait un souffle, comme un râle, une forme de plainte. La vision devint plus nette, il reconnut l’une des formes, il aurait pu la toucher tant elle était proche et tant il en avait l’envie. L, son drôle de visage circonflexe. Elle avait l’air terrorisé. Ça lui mordit le ventre. Ça se brouilla.
Il cligna des yeux, le tableau se transforma.
La forme qui semblait L gisait dans la baignoire ; sous elle, autour d’elle, le blanc de l’émail n’était plus ...
... qu’une traînée rouge, presque un drap écarlate. Son corps était sans logique, complètement désarticulé. Des petits geysers de sang perçaient les larges entailles sur son ventre et sous le bassin.
La deuxième forme réapparut, de dos, devant la baignoire. Elle s’activait, une scie à la main, devenant plus nette à mesure que l’horrible crissement du métal sur les os emplissait la pièce. La forme tourna la tête vers lui, un pâle sourire éclairant son visage ancien.
Il dit : « Maman ? »
Une troisième forme entra dans la pièce. Ça hurla, ça gémit, ça devint très clair. C’était lui.
Il répéta : « Maman ? »
Le tableau était complet, les formes si distinctes avaient pris vie. Il se rappelait maintenant. Comme il s’était jeté sur sa mère, en larmes, la maudissant d’avoir fait une telle chose, et comme elle avait su le calmer avec ses mots étranges. Il n’était plus qu’un enfant, là devant sa mère. Ses vieilles mains veineuses maculaient ses joues du sang de L, et il disait, « Maman, maman, je ne comprends pas. » Elle glissait quelque chose sous sa langue, sa voix était un baume qui l’apaisait ; cette voix douce qu’elle savait prendre pour le consoler, pour lui faire comprendre que la punition était justifiée. Une pilule, encore une, encore une autre. Elle demanda :
— Que dois-tu me dire, mon chéri ?
— Fais de moi ce que tu veux.
— Tu es un bon fils.
Tout s’éteignit, le tableau s’évanouit.
Il chuta encore un long moment, dans la noirceur absolue de son âme. Quand ...