1. Derrière la pluie


    Datte: 26/08/2018, Catégories: nonéro, Auteur: Gaed, Source: Revebebe

    ... répondait rien. Ce n’était pas un bavard.
    
    Cent mètres carrés, luxe absolu dans le domaine de l’espace urbain. Même ici. Une fronde de l’ordre du fantasme. Peu importait l’environnement, peu importait la minceur des murs. La perspective était maîtresse. Toute la ville s’étendait sous ses pieds ; maintenant que la nuit venait, ça prenait du sens. Des lumières à l’infini, un beau spectacle. Il était assis sur le canapé, dans un état second certainement lié à la prise de cachets antimigraineux. Il venait de passer la vague d’euphorie, son esprit planait doucement, savourant l’essoufflement de la douleur. Ça durait depuis si longtemps. Il en avait toujours souffert, mais de façon sporadique, sans réelle logique. Le stress, l’alimentation, le foie, le manque d’eau, la pollution, les cervicales, les gênes. Il y avait toujours une explication, il y en aurait toujours une autre. La médication lourde n’était pas une fin en soi, il le savait. Alors quoi ? Respecter son corps, traiter le fond dans la douceur ? Toutes ces conneries l’ennuyaient au plus haut point. Ça n’était plus le problème. Alors quoi ?
    
    Des crises plus aiguës s’étaient déclenchées après le départ de L ; les vomissements aussi. De là à y voir un lien, de là à établir une connexion. La tristesse était un concept qui lui échappait, le mal psychologique s’exprimait dans une langue qu’il ne comprenait pas. Il avait besoin de concret : mal/pas mal, faim/pas faim, soif/pas soif. Peut-être bien que son corps lui offrait ...
    ... finalement des signaux forts, détectables. Ce que les gens appelaient, avec cet air savant, des symptômes psychosomatiques. Elle lui manquait, il y avait un grand vide dans le grand appartement. Les nuits étaient particulièrement éprouvantes, les couloirs bruissaient de quelque force impalpable, l’air n’était plus le même. Comme une fugue mauvaise.
    
    Un mois après son départ, il ne parvenait pas à s’y faire. L’idée n’était pas qu’il avait du mal, l’idée était qu’il n’y arrivait tout simplement pas. Vomir le matin était un acte singulier et concret, une force qui le ramenait à la terre. Du solide.
    
    On pourrait dire qu’il avait ressenti les premiers troubles du sommeil à partir du départ de L. Ça ne serait pas l’exacte vérité, ça ne serait pas un complet mensonge non plus, certainement en tout cas y avait-il au préalable un terrain. On le disait froid, il était bouillonnant au-dedans. Les types comme lui dégageaient de l’acide dans leurs tripes.
    
    De fait, il était comme tout un chacun ; l’homme n’était pas calme, ne l’avait jamais été, ne le serait jamais. Il n’était pas dans la nature humaine une source étendue de quiétude à laquelle l’esprit fatigué viendrait s’abreuver, soulageant ses angoisses et ses tressaillements par le seul contact de la bouche à l’eau fraîche. Les nuits étaient des cauchemars qui nous tenaient par l’amnésie. On croyait en comprendre le sens quand on ne savait rien. « Souviens-toi d’un loup, ils étaient cent ; rappelle-toi ce souffle nauséabond, il ...
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