En province - Histoires de Sexe

En province

... C’est vrai que ça vous change un homme. Je ne me reconnais pas dans le miroir. Pendant qu’on choisit des pompes, elle pleurniche pour que les ourlets des pantalons soient faits sur-le-champ. Une grosse couturière sort de son terrier et vient placer des épingles en disant :

— Ourlets définitifs à cette heure-là un dimanche, pas possible. Ce que je peux faire c’est une bande collante double face au fer. Ça durera ce que ça durera.
— Peu importe, il les fera coudre en rentrant chez lui. Mais je veux qu’il soit convenable pour sortir un peu.
— Vous n’avez pas changé, Madame Gwendoline, toujours aussi pressée.
— Oh Herbert ! Arrêtez vos « Madame Gwendoline, j’ai l’impression d’être une vieille tante ménopausée.
— Tout au contraire, ma chère, une fois relooké, on croirait votre petit ami plus que votre neveu…
— C’est ça. Mais vous savez bien que je n’ai jamais eu de petit ami, que des amants de passage ! Et si ma demi-sœur vous entendait…
— Venez donc prendre un thé ou une autre boisson, le temps qu’Alice œuvre sur les pantalons.

Au fond du magasin, une porte presque dérobée ouvre sur un charmant petit salon où l’on fait patienter les bons clients pressés. Ils se racontent leurs souvenirs de guerre dans le quartier, parlent de gens que je ne connais pas. Jusqu’à ce qu’Alice revienne triomphalement avec les falzars. Gwen me fait mettre le costard vert, chemise blanche, chaussures de tresse de cuir clair.

— Beau comme un dieu ! Allez, Herbert, la note, et sans sel ...

... s’il vous plaît.
— Oh Madame… je veux dire Gwendoline, en souvenir de notre bon voisinage, vous aurez quinze pour cent de remise.
— Seulement ? Allez, mon ami, je connais votre marge. On va bien aller jusqu’à vingt ?
— Vous… Je… Parce que c’est vous.
— Attends, Gwen, je peux payer, père m’a filé du pognon, murmuré-je…
— Garde ton argent de poche, mon grand, répond-elle en se plaçant entre moi et la caisse.

Je n’ai pas vu le détail, mais je sais qu’il y avait quatre chiffres avant la virgule. Elle est folle ! Ce que je lui dis en sortant.

— Ah, mon chéri, je ne t’ai pas gâté depuis des années, il faut bien que je me rattrape. Et ce n’est pas fini !

Eh non, puisqu’elle m’entraîne jusqu’à une bagagerie proche pour m’acheter un assortiment plus que sympa : grande valoche, sac de voyage, trousse de toilette, portefeuille, porte-monnaie. Là encore, sa carte bleue chauffe un max. Comme elle a négocié les prix encore jusqu’à amen, la vendeuse ne voulant plus baisser m’a fait choisir un parapluie. Cadeau utile. Nous nous sommes installés dans un coin du magasin et, devant ses yeux effarés, j’ai installé mes achats dans la valise et vidé le contenu de mon sac à dos dans le sac de voyage, sac à dos plié par-dessus. En deux heures, je me sens un autre homme. L’habit ne fait pas le moine, mais ça influe quand même sur le mental. Dans le taxi qui nous emmène chez Gwen, je me dis soudain que, tant pis pour Béa, j’avais bien fait de venir.

Elle habite au troisième avec ...