Rue Férou - Histoires de Sexe

Rue Férou

... d’elle, mais elle me reprit dans ses bras en susurrant qu’il ne fallait pas que je me vexe, qu’elle aimait mes baisers, mais que si je le voulais, ils pourraient être meilleurs encore. Flatté, j’oubliai mon début de colère. Je ne demandais pas mieux, dis-je, que de me perfectionner. La leçon qui suivit fut d’autant plus inoubliable qu’elle ne porta pas seulement sur l’art du bouche-à-bouche. Le monde de la pensée, m’enseigna Danielle, n’est pas le seul où les complémentaires s’attirent, et elle me démontra comment cette loi s’appliquait à toutes les parties du corps des amants. Je souhaite aujourd’hui à tous les humains d’avoir la chance de vivre une semblable expérience.

Deux jours plus tard, nous avions rendez-vous dans le parc qui séparait mon lycée du centre-ville. Arrivé le premier, je l’attendis assis sur un des bancs disposés autour d’un bassin où deux cygnes noirs faisaient des ronds dans l’eau. Danielle ne tarda guère. Ses cheveux noirs en bataille, chaussée de minces sandales de cuir et vêtue d’une robe rouge vif sur laquelle éclataient des roses d’un jaune éclatant, elle était plus Anna Magnani que jamais. Je l’embrassai.

— T’as bien profité de la leçon ! sourit-elle.

Encouragé, je lui redonnai une preuve de mes nouvelles compétences.

— Qu’est-ce que tu préfères, demanda-t-elle, on reste ici ou on fait un tour avant la répétition ?

Sans hésiter, je choisis de ne pas bouger. Deux raisons à cela : la première était avouable, il ne venait jamais ...

... personne dans ce coin retiré et nous pourrions risquer des caresses impossibles à oser ailleurs ; la seconde était moins reluisante… Non seulement Danielle était plus vieille que moi, mais sa beauté ne correspondait pas aux critères d’une époque adoratrice de stars à taille de guêpe qui tolérait mal les courbes trop généreuses. Conformiste comme on peut l’être à mon âge, je craignais, si une de mes connaissances me voyait en sa compagnie, de subir des railleries dont j’imaginais sans peine l’acidité étant donné ce dont je me savais capable lorsque c’était moi qui me moquais des autres.

Le quart d’heure qui suivit fila comme l’éclair. Il n’y avait que nous et les cygnes dont rien ne choquait la pudeur. Je pus donc embrasser Danielle, trousser sa robe au-dessus de sa taille et glisser mes doigts dans une intimité ruisselante pendant qu’elle me prodiguait des caresses dont l’effet fut immédiatement visible. Je la pénétrai sans que les deux palmipèdes ne cessent de décrire des cercles dans leur bassin. En sonnant la demie, la cloche de l’église communale nous avertit qu’il était temps de mettre un terme à ces effusions. Après nous être rajustés, nous avons gagné le théâtre dans lequel nous entrâmes à quelques minutes d’intervalle pour éviter les soupçons. Précaution inutile, ce soir-là la troupe répétait pour la dernière fois et l’ambiance était fébrile… Personne n’eut le temps de s’occuper de savoir qui arrivait avec qui, ni d’ailleurs, à la fin de la répétition, qui partait avec ...