1. Rue Férou


    Datte: 08/06/2022, Catégories: fh, jeunes, danser, Oral pénétratio, init, prememois, initiat, Auteur: Volnay-a, Source: Revebebe

    Machiniste, costumier, éclairagiste, ou même figurant lorsque cela s’avérait nécessaire, j’étais en cette époque que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître, l’homme à tout faire de la troupe de théâtre du lycée de banlieue ou j’achevais ma terminale(section philo). Comme nous étions de gauche, nous avions choisi de monter une pièce de Brecht, en l’occurrence « Grand peur et misère du 3e Reich ».
    
    Je passais l’essentiel de mon temps en coulisses d’où, dès que mes diverses occupations me laissaient un moment, je regardais Danielle, l’interprète des principaux rôles féminins. Cette fille m’intimidait. Pas seulement parce qu’elle avait deux ans de plus que moi, mais elle était la seule étudiante de la troupe. Il y avait aussi ses robes trop larges et trop voyantes, son teint mat de Méditerranéenne, ses cheveux noirs toujours ébouriffés, son visage à la Anna Magnani et ses airs de gitane qui tranchaient avec la relative sagesse du reste de notre groupe.
    
    Je me souviens encore du soir où, pour la première fois, les acteurs jouèrent en costume. Pour incarner la femme juive obligée de quitter son mari médecin et aryen, la bohémienne s’était alors transformée en grande bourgeoise. La métamorphose était saisissante : tailleur, chemisier, bas et hauts talons, la femme qui disait le texte déchirant de Brecht n’avait plus rien de la sauvageonne des répétitions précédentes.
    
    Quand elle sortit de scène, tout le monde pleurait… Moi, comme les autres. Mais à dix-huit ans, je ...
    ... croyais encore, comme on me le répétait depuis mon entrée à la maternelle, qu’un homme ne pleurait pas. Pour cacher mon émotion, je m’affairais à préparer la suite(faire disparaître un fauteuil de la scène, recouvrir d’une toile cirée la table ronde côté jardin, puis installer vite fait bien fait six chaises et le poste de radio à lampes trouvé dans un grenier). Pendant ce temps, Danielle ôtait son tailleur pour mettre le corsage et la jupe de cotonnade qui, de bourgeoise, la changeraient en ouvrière révoltée et consciente politiquement.
    
    L’opération l’obligea à se montrer en sous-vêtements. Ceux-ci n’avaient rien d’affriolant, mais j’étais à un âge où, comme le chanta Brassens, le premier cotillon venu vous en impose… Surtout que ce dernier se résumait à un soutien-gorge et à une petite culotte blanche d’où dépassaient d’impudiques frisettes. Du coup, au lieu de tourner vertueusement la tête, je lorgnais ce spectacle avec un peu trop d’insistance. L’intéressée s’en aperçut. Tout en passant son corsage, elle me lança avec un sourire :
    
    — Ça te plaît ?
    
    Feignant de croire que la question portait sur ce qu’elle venait de jouer, je m’en tirai hypocritement en me répandant en éloges, d’ailleurs sincères. Puis, sans attendre une réponse, je remorquai ma pile de chaises sur le plateau.
    
    D’habitude, quand les répétitions se terminaient, la troupe prolongeait la soirée dans un bistrot voisin, mais ce soir-là Danielle déclara qu’elle était fatiguée et qu’elle voulait rentrer. ...
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