1. Adrian


    Datte: 13/08/2018, Catégories: nonéro, portrait, journal, Auteur: HugoH, Source: Revebebe

    ... étaient stridentes et quand enfin elles s’apaisaient, les basses lugubres emplissaient la pièce. Derrière la vitre et les consoles, Nick Robbins les observait avec perplexité. Il y avait quelque chose assurément, mais quoi ? Il n’était pas Hugh Jones, son statut ne lui conférait pas le même droit d’ingérence. Alors, il s’exécutait en silence, le chèque qui tombait chaque fin de semaine couvrait les doutes aussi sûrement que le soleil asséchait la terre. Il observait Adrian, le regardait faire, fixait chacun de ses mouvements. Ce gars avait de la grâce et beaucoup de talent.
    
    Mais pourquoi cet enfermement ? Pourquoi courir après ce désespoir ? Il aurait misé jusqu’à sa dernière pièce qu’Adrian Borland / Boring Adrian était capable de pondre un truc énorme, un truc qui vende. Il l’avait dans les doigts. L’intensité, il l’avait aussi. Mais trop de drogues, trop de problèmes. C’était comme si une flèche noire pointait chacun des membres du groupe. La guigne, il la sentait jusque derrière ces consoles. Les groupes voués à l’échec, il connaissait, il en avait croisé tellement. Ces regards affamés qui cherchaient l’acquiescement, la bénédiction du producteur. Une croix dans l’air. Et lui, Nick Robbins, n’était pas du genre contrariant. Il disait oui, mille fois oui sans restriction, baissait la tête sans demander son reste, levait la main en l’air en guise de reddition, quel combat de toute façon ? Pas de combat, pas de match, souriait de toutes ses dents quand les gars avaient ...
    ... l’air content. À quoi bon lutter avec ces gens ? Le chèque de fin de semaine, voilà ce qui comptait. Les livres sterling qui finançaient la construction de son propre studio. Il avait cette réputation de laisser faire les groupes, et du coup les groupes, une bonne partie en tout cas, se le disputaient parce qu’ils savaient qu’ils auraient carte blanche.
    
    Dans le cas de The Sound, c’était en revanche plus curieux. Le boss avait exigé quelque chose de clair et au moins un single. Dans ce cas, pourquoi faire appel à lui ? Il n’était pas le rédempteur qui les remettrait dans le droit chemin, non, il n’était pas cet homme-là. Mais sûrement aussi n’était-il pas le producteur le plus cher du marché. Et sûrement également, sa présence ne devait-elle pas être très rassurante pour le groupe. L’investissement du label n’était pas, comment dire, maximal. Adrian n’était pas idiot, loin de là. Ça sentait le chant du cygne.
    
    Les jours passaient, les morceaux s’enchaînaient. La tension se dissipait. Ils avaient l’air heureux, à bien les regarder, oui, ils affichaient un air soulagé, paisible. Certes, les drogues n’étaient pas étrangères à cet état de fait. Et alors ? L’apaisement chimique, c’était comme le sommeil chimique, mieux valait ça que rien. Surtout, il semblait à Nick Robbins que le groupe savait où il allait. Au début, il avait pris tout ça pour de la provocation, un de ces caprices sucrés dont les rock-stars ont le secret. Mais qu’avions-nous ici ? Ni caprice, ni rock-stars, ni ...
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