Adrian
Datte: 13/08/2018,
Catégories:
nonéro,
portrait,
journal,
Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... stars tout court. Ni secret. Ce groupe semblait tellement normal en apparence.
Regardez-moi ça : Adrian Borland, rondouillard sous sa fougueuse et ombrageuse touffe de cheveux traversée ici et là d’éclats blonds. Selon le temps, selon le ciel, selon le vent, pas la même couleur, pas la même intention. Mettez-lui un costume trois-pièces, fixez dans sa main un attaché-case, lissez-moi cette chevelure. Une tronche de gendre à la con, trader à la city. Et les autres étaient à l’avenant. Colvin Max Mayers le métis et sa longiligne dégaine d’étudiant aux Beaux-Arts. Michael et son allure de comptable ou de scientifique SS, au choix. Graham qui ne ressemblait à rien ou alors au majordome de Dracula passé chez un coiffeur épileptique.
Mais ils jouaient bien, c’était indéniable, il en avait vu passer d’autres, et la singularité de tout ça, ce parfum de bout de course, tenait à tout ce talent qui s’écrabouillait contre les murs. La bonne volonté en charpie. Ils tenaient un album invendable, pas parce qu’il était si difficile que ça, mais parce qu’il ne collait plus avec l’époque. Pas de mélodies très accrocheuses non plus, ça nageait dans une atmosphère sombre, oppressante, mais ce n’était pas inécoutable, simplement c’était rébarbatif.
Une fois ou deux, Nick avait tenté de convaincre Adrian de jouer plus clair, de tenter une tierce, de lâcher les effets voix, de développer un break qui lui semblait, à lui, plus mélodieux. Mais Adrian n’avait pas fait l’effort d’écouter ...
... des arguments que lui-même débitait sans grand entrain. Le groupe semblait serein donc, sûr de sa voie. Et quand l’ensemble fut compacté sur bandes, tous assis dans la salle de mixage comme dans une navette de Cosmos 99, ils opinèrent du chef, acquiescèrent en silence, satisfaits.
Maxy Max répétait la phrase en écarquillant les yeux. Singe fou chargé de drogues. Finalement Adrian avait encore une fois mis en sourdine son appétence pour les cadences élevées. Vraiment, c’était la section rythmique engourdie qui donnait beaucoup de charme à ce groupe. Et la voix évidemment. Cette voix que Nick avait appris à apprécier au fil des semaines, une voix grave et dure, sensuelle et enfantine dans le même temps. Comment se faisait-il que ce groupe ne vendait rien ?
Parce que même si elles n’étaient pas évidentes sur cet album, les mélodies étaient là, sous-jacentes, menaçantes, dans l’ombre d’une production étouffante. Pourquoi est-ce que ça avait marché avec Cure et pas avec eux ? Il se rappelait leur précédent essai, ceContact the fact, ceWinning, ceSkeletons, il y en avait, des bons titres.
Nick n’écoutait plus, son regard circulait sur les visages imprégnés de silence et de recueillement. La messe, faites une croix, merde, faites une putain de croix. Ils y croyaient tellement tous autant qu’ils étaient. De temps à autre Adrian sortait une blague en tirant ses cheveux vers l’arrière. Comme quoi, tout pouvait arriver. Et c’était plutôt drôle d’ailleurs. Les autres rigolaient ...