Adrian
Datte: 13/08/2018,
Catégories:
nonéro,
portrait,
journal,
Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... premier album, vraiment, ils avaient confiance en l’avenir. Il repensait à cet article flatteur du NME, ça lui donnait de la force. On pouvait bien continuer de parler dans le vide, mais une seule putain de bonne critique, c’était aussi puissant que dixshoots réunis.
Ils étaient prêts, ça oui.
Adrian marchait aux côtés de Mary sur une plage près de Whitby. C’était l’arrière-saison, des brumes d’embruns scintillaient dans l’air clair et sec. La mer s’était retirée loin vers le nord, de sorte qu’il leur semblait bien à tous les deux qu’ils avançaient dans un désert humide chargé d’iode. Des mouettes jaillissaient en bande de temps à autre, attirant le regard des promeneurs.
Plusieurs fois, Adrian tenta d’attraper la main de Mary mais elle se défilait, ou alors elle acceptait le contact puis se retirait dès que l’occasion se présentait. Il savait ce qui n’allait pas, ce qu’elle lui reprochait. Ses excès, ses crises d’énervement ou de mutisme, ses absences, son appétence pour toutes les formes de drogue. La liste serait longue à dresser mais elle se tenait. « Tout ce temps consacré à la musique, et pour quel résultat ? » le fustigeait-elle.Jeopardy n’avait pas marché, mais alors pas du tout. Est-ce que c’est l’essentiel, répondait Adrian, est-ce que c’est vraiment ce qui compte ? Il faut du temps pour qu’un groupe trouve son public. Ça viendra, nous avons de bonnes chansons, nous en aurons de meilleures encore. Korova croit en nous. Mais j’ai besoin de toi, Mary, ne me ...
... laisse pas maintenant. Ne me laisse jamais.
Elle ne répondit rien, se contentant de fixer l’horizon d’un air triste. Il balaya une mèche blonde sur son front. Elle était toujours aussi jolie, et la perspective de la perdre ne gâchait certainement pas ce sentiment. Elle aurait voulu qu’il choisisse une autre voie, quelque chose de sérieux, de solide. Le genre de libellé qui en impose lors d’un dîner en famille. D’ailleurs, il ne connaissait pas sa famille. Ni elle la sienne. Était-ce vraiment de bonnes bases pour qu’un couple fonctionne, pour que la machine prenne son rythme ? Ça faisait un bail, eux deux, pourtant. Mais dans le fond, il n’y croyait guère plus.
Elle finit par lui prendre la main, esquissa un sourire pâle. « Il fait froid, je meurs de faim, allons-y. »
C’étaient des accords tranchants ; quant à la basse de Graham, elle était douce et dure à la fois. Pourtant, Adrian aurait voulu accélérer le tempo, un peu comme ce qu’ils avaient fait surSkeletons la veille. Le médiator glissait, il avait les doigts humides. Max Mayers balançait ses nappes de clavier, Maxi Max ressemblait à un robot, Max la menace triturait les touches, les notes flottaient dans l’air comme autant d’ombres menaçantes, un shaman, ce Max. Ne savait pas s’il aimait bien cette touche-là dans sa musique / N’avait pas beaucoup de recul là-dessus. Si le producteur le disait, c’est que ça devait être vrai. Mais c’était sa musique, oui ou merde ? Il aurait dû décider seul. Il aurait dû travailler ...