1. Adrian


    Datte: 13/08/2018, Catégories: nonéro, portrait, journal, Auteur: HugoH, Source: Revebebe

    ... Ce qui était assez rare. Mais bruyant, assurément.
    
    — Jouez ensemble, bordel.
    — Et on fait quoi, là ? coupa Graham. Un putain de scrabble ? Tu crois qu’on fait quoi, Hugh, depuis cinq heures ? Ton problème, tu veux que je te le dise ?
    — J’en ai rien à foutre de mon problème, je vous demande de bien jouer, de jouer ensemble, d’envisager de jouer comme un groupe. C’est un concept qui vous dépasse ?
    — Ton problème c’est que tu te prends pour Phil Spector. Tu veux sortir un revolver ? Tu veux nous menacer ? Tu veux quoi, bordel de merde ?
    
    Et Graham laissa pendre sa basse jusqu’aux genoux, sa main droite imitant une arme pointée sur sa tempe.
    
    Adrian continuait de jouer. Il avait ces accords en tête, toujours ces accords qui déjà se mélangeaient à des mots. Il avait l’impression de n’être que ça, un réceptacle, une sacrée fosse à purin.
    
    — Adrian, c’est toi le leader, parle-leur, dis-leur de jouer moins vite.
    
    Mais le regard n’accrochait pas, non, Hugh Jones ne parvenait pas à agripper son attention. Les doigts allaient et venaient sur le manche de la guitare. Hugh frappa dans ses mains. Fort.
    
    — On reprend, lança Adrian d’une voix blanche.
    
    *
    
    Il avait pris goût à l’héroïne peu de temps avant le pressage du premier album. Et quandJeopardy, bien que favorablement accueilli par la presse spécialisée, n’était pas même parvenu à atteindre la périphérie d’unTop quelconque, c’était devenu une habitude coûteuse qu’il lui fallait désormais, de temps à autre, remplacer ...
    ... par de l’alcool et des pilules. En période d’abondance, il faisait entrer les trois dans son corps.
    
    C’était le cas ce soir. Dans un pub du West End, il alignait les bières avec une régularité froide, les yeux fixés sur un point invisible que Graham s’obstinait de temps à autre à discerner. L’héroïne lui faisait du bien aujourd’hui, plus que d’habitude. Il s’était disputé avec Mary avant de rejoindre les autres. Toujours les mêmes remarques / Toujours la même musique. Voir un spécialiste, parler à des médecins. De quoi ? De schizophrénie. Et ensuite quoi ? D’autres pilules ? D’autres enfermements ? « Rien à foutre », murmura-t-il une bonne douzaine de fois en serrant fort les dents jusqu’à ce que le boss pose sa main sur son bras.
    
    — Du calme, Adrian.
    
    Les autres membres du groupe ne semblaient pas faire attention à lui. La force de l’habitude, ça avait du bon, songea-t-il soudain en se détendant d’un coup. Une télé placée au-dessus du serveur projetait des couleurs criardes. ABC, Poison Arrow.
    
    — Quelle merde, lança Michael, franchement, quelle merde ! C’est pas possible que ces mecs vendent des paquets. Ça n’a aucun sens.
    — Si, ça en a, coupa le boss.
    — Ne me dis pas que tu aimes ça, toisa Max.
    
    Maxi Max se tenait les cheveux et tirait la langue comme un pendu.
    
    — Je ne dis pas que j’aime ça, je dis simplement que ces types ont du talent. Écoutez-moi ce truc, ça glisse tout seul, c’est de la confiserie. C’est ce que j’appelle de la belle ouvrage. C’est Trevor ...
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