Adrian
Datte: 13/08/2018,
Catégories:
nonéro,
portrait,
journal,
Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... bandes tournaient dans l’appareil du boss. Les morceaux s’enchaînaient,Winning,Contact the fact,Skeletons. Le boss faisait la moue, le boss tirait sur un cigare, le boss jouait avec une agrafeuse. Mais bordel, qu’est-ce qu’il avait à réfléchir comme ça ? C’était un putain de bon album, c’était ça la réalité. Il y avait mis toute son âme, ces textes, bon Dieu, ces textes, c’étaient les siens. Le NME allait adorer, comme ils avaient adoréJeopardy. Alors quoi, qu’est-ce qu’il avait à dodeliner la tête, ce con de boss, comme un chameau assoiffé ?
— Pas évident, finit-il par dire en s’étirant dans un jet de fumée monstrueux.
« Vas-y, bâille tant que tu y es, connard », pensa Adrian. Les insultes se cognaient à ses dents sans franchir sa bouche, sans produire le moindre son, sans donner corps à sa colère.
— Comment ça, pas évident ?
— Pas de morceaux évidents, pas de simples.
— Et on est quoi ? grommela Max, les Carpenters ? Quels putains de simples, de quoi tu parles ?
— Je parle d’un truc qui pourrait vous faire connaître, si tu vois ce que je veux dire. Si vous voyez ce que je veux dire, là, tous autant que vous êtes. Ce genre de choses qui fait qu’un groupe existe ou disparaît. Ce genre d’étape qui fait une carrière et que pour l’instant, vous n’avez pas franchie. Et là-dedans, dans ce…From the lion’s mouth, je n’entends rien de semblable, rien qui ne fasse que vous sortirez de ce putain de trou du cul de club du West Side.
Son regard noir fixait Adrian, Adrian ...
... fixait le ciel gris.
— Hugh, tu as fait du bon boulot, reprit le boss, mais si vous n’avez rien de plus efficace à me proposer, retournez en studio.
*
Dans la ville assombrie par la pluie, Adrian avançait lentement. Ses cheveux mouillés dégageaient une drôle d’odeur de shampoing au vinaigre. Un grand panneau annonçait :Welcome 1981 ! Et dessus, des types en costumes et des femmes en robes colorées souriaient devant des gigantesques buildings étincelants. Il se rappelait comme il aimait marcher dans Londres lorsqu’il était adolescent. Tous ces moments à rêvasser, à imaginer la vie d’après. Il y était maintenant. Et seules les pilules parvenaient encore à lui faire frôler cet état d’exaltation et de contemplation qui le tenait alors. Ni l’amour ni la musique n’étaient parvenus à chasser les fantômes. Il ne se sentait pas plus heureux, n’avait pas atteint une colline d’où la vue serait plus claire. Tout était bien plus trouble au contraire. L’époque où il répétait dans le salon de ses parents avec ses amis lui semblait si lointaine qu’il ne parvenait même plus à la fixer dans le temps. Son père le regardait avec fierté, sa mère souriait. Mais est-ce qu’il était là, vraiment là ? On lui disait souvent qu’il semblait à deux endroits en même temps, dans la réalité et dans un ailleurs inaccessible. N’avait pas conscience de ça / Ne voulait pas dégager cette impression / Se forçait à fixer les gens dans les yeux lorsqu’ils lui parlaient.
*
Dans le studio, Hugh gueulait. ...