1. Adrian


    Datte: 13/08/2018, Catégories: nonéro, portrait, journal, Auteur: HugoH, Source: Revebebe

    ... hein ? Comment donc envisager l’existence sans cette aide-là ? « Nous sommes tous des mauvais patients », avait dit un jour un professeur, une femme maigre et terrifiante, durant l’une de ces nombreuses thérapies de groupe de l’une de ses nombreuses hospitalisations, pointant du doigt la réticence des malades à accepter la prise de médicaments. Un patient avait dit : « Je n’aime pas me sentir malade ». Adrian avait rigolé bêtement pendant un bon quart d’heure, c’était tellement con cette phrase.
    
    Les Pays-Bas le reposaient, lui enlevaient une certaine forme de pression qui ne l’avait finalement jamais quitté. Mais il était indéniable qu’il était moins productif. La vieille Europe, de ce point de vue, ne lui avait jamais réussi.
    
    Arpentant les ruelles de la ville haute, il observait les vitrines des magasins. Noël vint, puis un autre. L’hiver était rude ici aussi. Les bateaux dans le port semblaient figés dans des eaux comateuses.
    
    Deux ans plus tard, il quitta la Hollande, retourna s’installer chez ses parents à Wimbledon dans le sud de Londres, travailla sur un nouvel album, accusa quelques crises sans gravité. Il y avait beaucoup de choses à ce moment, des groupes importants avaient dévoré d’autres groupes importants. Massive Attack, Radiohead. Radiohead ; tout le monde n’avait que ce nom à la bouche. Radiohead par-ci, Radiohead par-là. C’était pas mal effectivement. Profond, dense, mélodique. Le chanteur avait vraiment une drôle de tête. Comme quoi il devait bien ...
    ... être possible de percer avec ce type de physique. N’avait jamais vraiment cru aux explications d’Alex à ce sujet de toute façon, paix à son âme. Adrian avait besoin de composer. Un petit label lui fit une proposition qu’il ne refusa pas. À quarante-deux ans et tout le passé qui l’accompagnait, il aurait accepté un deal avec la Maison des Ratés Associés. Mais il mit du cœur à l’ouvrage, beaucoup. Il ne renonça pas, ne rechigna pas, prenant quand même un peu moins de plaisir qu’avant à ces nuits qui n’en finissaient pas. Il était content de ses compositions, ça avançait bien. Il serait bientôt temps de rentrer en studio d’enregistrement.
    
    Le soir, il regardait les ruelles calmes par la fenêtre de sa chambre d’enfant. Il avait enlevé des posters il y a peu. Des trucs anciens. Était-il possible que le temps passe si vite ? Était-il possible qu’il ait déjà quitté cet endroit depuis plus de vingt ans et qu’il y soit revenu, comme rejeté par un mauvais ressac ? Il avait déjà quarante-deux ans. Quarante-deux ans, putain ; à l’époque où il habitait vraiment dans cette maison, ce genre de repère lui aurait semblé une borne de fin vers l’au-delà. Un moment où l’on ne vivait guère plus. Et pourtant il y était, ses cheveux éclaircis se peignant de la lumière des réverbères au-dehors.
    
    Grâce à Internet, il avait eu des nouvelles de Michael et de Graham. Le premier travaillait dans un institut de psychologie, qu’est-ce qu’il y faisait, c’était là un mystère qu’Adrian n’avait pas essayé de ...