Adrian
Datte: 13/08/2018,
Catégories:
nonéro,
portrait,
journal,
Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... était pourtant déjà plus bas que terre.
Partir. Il faudrait bien partir parce qu’il allait mourir ici.
Il partit s’installer à Haarlem, Pays-Bas, Europe, chouette ville commerçante, située à environ vingt kilomètres d’Amsterdam. Un endroit calme et sûr. On l’avait toujours bien apprécié là-bas ; The Sound y jouissait d’ailleurs encore d’une certaine réputation. Il aimait regarder ce que les locaux appelaient la plus petite mer du monde, la mer de Haarlem, en fait un petit lac d’eau salée déroutée de la mer du Nord.
Les crises se calmèrent, il tempéra sa consommation d’alcool. Des amis du coin, des connexions du temps de The Sound, venaient le visiter le soir. On devisait comme dans des temps anciens à la lueur de la bougie en regardant par la fenêtre ouverte les petits bateaux dodeliner doucement dans les eaux sombres du port. Plus loin, il y avait des moulins derrière des dunes. Les pales traversaient l’air avec force. Il aimait la musique du vide brassé. Ça venait jusqu’à sa fenêtre, ça s’y accrochait un long moment. Il en perdait le fil de la conversation. Il fallait une main sur son épaule ou sa cuisse pour briser l’infernal sortilège de ces infernales machines. Et la mer, la mer elle se cachait encore au-delà des dunes et des moulins comme un secret éventé. Quelquefois, lorsque le ciel était bleu, pleinement dégagé, il prenait son vélo et filait le long des routes sinueuses. Là, respirant à fond, il se sentait affreusement faible. Devant les éléments bruts, ...
... devant cette mer qui ne cessait de fuir ses coups de reins fatigués, définitivement, il se sentait malade.
Il avait sorti un album. Encore un. Seul cette fois-ci. Un gars avait écrit « Tout le monde est une star », mais la vie cinématique de Borland est encore bien plus intéressante. Et comme d’habitude, le dépit et l’amertume s’étaient délicieusement insinués entre les lettres, les mots, les phrases, les espaces.
Le cannabis fut une option. Mais pas la bonne, pas le produit idoine qui le relaxerait sans laisser de traces. Pas loin certainement, mais pas ça. Le problème avec la fumette, comme avec toutes les drogues en définitive, c’était le contrecoup, la chute physique et morale qui suivait la montée vers des cimes tellement grisantes qu’elles brûlaient l’âme et le cœur ; mais la différence avec les addictions lourdes, c’est que celle-ci était essentiellement mentale. Et pour le coup, certainement déconseillée à un schizophrène chronique à tendance paranoïaque.
Il y avait de nouveaux traitements depuis le début des années 90. Les choses allaient, d’une certaine façon, mieux. Cette dernière génération de médicaments était dite atypique, ce qui en soi ne manquait pas de singularité ni d’humour. Mais les effets secondaires s’ils étaient nombreux n’en étaient pas moins réels. Les nausées avaient disparu mais la perte de poids restait conséquente, sans parler de l’appétit sexuel qui s’apparentait à une sorte de vide coloré. Putains de pilules. Mais comment vivre sans elles, ...