Adrian
Datte: 13/08/2018,
Catégories:
nonéro,
portrait,
journal,
Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... Les internements et les dépressions réglaient désormais une vie consacrée à la musique. Ça n’était un secret pour personne dans le métier, alors les tournées ne se faisaient pas, les deals se signaient au ralenti, définitivement, les labels l’envisageaient avec méfiance. Mais les choses se faisaient malgré tout, pas aussi simplement qu’elles auraient dû. Mais elles se faisaient.
*
Que dire des années 90 ? Il est des périodes qui passent ainsi sans que l’on fasse attention, comme lancé dans un train à pleine vitesse. Les noms des gares se succédaient à l’aveugle, 1991, 1992, 1993, 1997. Révolution Hip Hop, Trip Hop, Techno. Il se sentait largué. L’ère glaciaire du numérique, les supports dans la tourmente. Adrian subissait les choses, au même titre que ses milliards de congénères. Il n’était pas différent, ou alors juste un peu. Oui, il devait l’être, se disait-il, pour courir après un rêve, et en était-ce toujours un d’ailleurs ? Oui c’en était un. Un sacré, même, pour supporter le poids tellement lourd de ces journées.
Il avait de temps à autre des nouvelles de Mary. Au final, ils gardaient le contact tous les deux. Était-ce de la pitié, de l’attachement, des restes de sentiments, un truc vague et froid qui appelait à la compassion ? Certainement un peu des trois. Ça lui suffisait. Tout ce dont il avait besoin, c’était de la sentir pas trop loin, de lui parler. Qu’elle ne disparaisse pas.
*
Un soir qu’il prenait un verre dans un pub de Soho, Adrian ...
... s’enthousiasma. Les rythmes étaient violents, assurément. « C’est quoi, cette musique ? » pensa Adrian en levant une énième pinte.
— C’est quoi ce truc ? répéta-t-il à haute voix.
—Breathe, de Prodigy, lui souffla Harris, son jeune batteur.
— C’est pas mal.
— Ouais, c’est pas mal.
— Tu crois qu’on pourrait faire un truc dans ce style-là ? hasarda Adrian en faisant signe au serveur.
— Ça serait bizarre non ? Je veux dire, vraiment étrange comme virage.
— Écoute Harris, ça serait pas plus bizarre qu’autre chose. Est-ce que quelqu’un en a quelque chose à foutre en définitive ? Je ferais de la polka que ça n’étonnerait personne. Écoute, Harris, écoute, on change de nom, on met un peu d’électronique.
— Je sais pas, Adrian. Je sais pas du tout. Je suis plus en état de savoir.
— Et pourquoi pas ? C’est juste une question de méthode, un simple constat logique. Ce truc marche ? Ça plaît ? Eh bien faisons-le !
— Ça n’a pas de sens. Ce n’est pas ce que tu es, ce n’est pas ce que tu souhaites, ce n’est pas ce que tu aimes.
— Qu’est-ce que tu sais de ce que je veux être, hein Harris ? Si je te disais qu’une fois dans ma vie j’aimerais tenir un stade, entendre mes morceaux à la radio, avoir de l’argent, sortir de ces aides aux artistes tellement humiliantes. Ces guichets, Harris, c’est pire que la soupe populaire. Tellement dégradant. Je ne me rendais pas compte, je veux dire, quand j’ai commencé, je ne me rendais pas compte que ça pourrait un jour passer par un guichet. Tu sais quand je ...