1. Adrian


    Datte: 13/08/2018, Catégories: nonéro, portrait, journal, Auteur: HugoH, Source: Revebebe

    ... créatifs, ceux où Adrian souriait, quittait le monde des ombres pour redevenir ce jeune homme qu’ils avaient connu adolescent. Son visage rond n’accusait pas encore le contrecoup des excès et de la maladie. Mais ses yeux trahissaient. Son regard lointain que dessinaient des cernes profonds était un panneau indicateur vers le monde des limbes. Et si l’Europe avait une influence correcte sur le groupe, nul n’était dupe. La maladie d’Adrian était toujours là, bien présente. Et Michael ne pouvait que regretter que l’amertume ne fût plus aujourd’hui que leur terreau commun, un champ de patates dans lequel ils s’ébrouaient lentement sous les éclats mats d’un soleil noir.
    
    Ils burent énormément, sans doute pour compenser le manque de bonnes drogues. Plus d’argent. Max goûta même les médicaments d’Adrian. Pour voir. Il n’y revint pas ; ça le remua salement et il fit les gros yeux pendant deux jours.
    
    Heureusement, il y avait le sexe et le sexe était une chose intéressante ici en Belgique, les filles étaient plus démonstratives. Au lit, s’entend. Tout le monde en avait toujours profité, mais ce dernier bastion de reconnaissance était toujours autant apprécié. Il suffisait d’une guitare, d’un club à moitié vide, et même avec ce maigre artifice, on ne rentrait pas seul à l’hôtel. Un piège. Max les appelait les trappeurs. Parce qu’à leur niveau, ça restait tout de même artisanal. Le fait de coucher avec des filles qui les avaient écoutés quelques heures plus tôt conférait une ...
    ... supériorité, une sorte de puissance qu’aucun d’entre eux n’avait jamais ressentie hors de ce champ. Les filles, au contraire du public, n’étaient pas si exigeantes, n’attendaient pas autre chose qu’un peu d’attention, qu’un peu de rêve. Les filles, c’était l’essence du rock.
    
    Ça aurait pu les tenir encore un peu, les bercer d’une douce illusion parce qu’Adrian s’amusa bien durant ce séjour belge, profita de la moindre groupie jusqu’au matin, pris d’une frénésie que son nouveau traitement devait amplifier. Malheureusement, après quelque temps, l’état d’Adrian se détériora. Deux jours avant d’entrer en studio en fait. Dommage, souffla Michael. La décision fut prise par PIAS de rapatrier tout le monde en Angleterre. Les patrons étaient contents de ce qu’ils avaient entendu en répétitions. Ils avaient la volonté de poursuivre, mais Michael, et même Graham, dans ses quelques instants de lucidité, ne pouvaient s’empêcher de penser que tout ça ressemblait méchamment à une veillée mortuaire.
    
    *
    
    Quelques semaines plus tard, au gré des étonnantes circonvolutions mentales d’Adrian, le groupe reprit le chemin des studios londoniens.
    
    — C’est bon ça, les gars, ça me plaît, ça me plaît vachement, hurla Adrian.
    
    Derrière la vitre de la salle de mixage du studioThe Elephant, Nick Robbins tirait la gueule. N’aimait pas ce qu’il entendait. Trop rock, trop clair. Trop chiant. C’était d’autant plus décevant qu’il avait toujours apprécié The Sound, mais là, ce titre par exemple, ça ...
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