Adrian - Histoires de Sexe

Adrian

... ressemblait à du Prince blanc, du rock sans nuance. Quelle merde ! Quand on lui avait proposé la production deThunder Up un mois plus tôt, il avait émis une sorte de grognement qui dans la bouche de ce géant totalement chauve s’apparentait in fine à une profonde satisfaction.

— On reprend, gueula Adrian, survolté.

Michael donna la mesure, etAcceleration group démarra dans l’exaltation générale.

— Ça va, les gars, je vous dérange pas ? lança sèchement Nick Robbins à ses deux assistants qui lisaient le journal.

Le Times titrait : « Thatcher pour un troisième mandat ».

— Excuse-nous, Nick, c’est juste que cette pute soit élue une troisième fois, ça nous troue le cul.
— Je vais te le trouer le cul, moi, personnellement. J’y prendrai pas de plaisir, je ferai ça mécaniquement, mais je te jure que si tu te remets pas au boulot dans la seconde, je vais te le saucer à l’italienne, espèce de merdeux. Et c’est également valable pour ton pote dont j’ai oublié le nom.
— C’est…
— M’intéresse pas !
— On reprend, hurla Adrian.

Nick soupira, puis se figea. Adrian venait de s’écrouler au sol.

*

Il y avait ces bruits dans sa tête, ça allait et ça venait, une forme de bourdonnement qui portait l’écho de centaines de voix d’outre-tombe. C’étaient des bribes de phrases, il en était certain, mais il ne les comprenait pas, comme si chaque mot avait été passé au sanibroyeur. Tout se mélangeait, la pièce ou il se trouvait disparaissait puis se reconstituait. Une pièce ...

... blanche qui rentrait dans une autre pièce blanche. Bon Dieu, ce qu’il se sentait mal ! Il en avait la nausée. Des formes passaient devant ses yeux. Pourquoi est-ce qu’il ne bougeait pas, et pourquoi sa bouche restait-elle ouverte, incapable de produire un autre son que ce râle infâme qui s’en écoulait comme de la salive. Le groupe ; où était son putain de groupe ?

Dans le couloir de l’hôpital, tandis qu’on examinait à la loupe un Adrian livide, le reste du groupe faisait les cent pas.

— Ça devient impossible, c’est juste que ça devient impossible.

Michael avait le regard vide, ses traits étaient tirés, il était blanc comme un ciel de janvier.

— Et qu’est-ce que tu proposes ?
— Je propose rien, Graham ; qu’est-ce que tu veux bien que je propose, hein ? Je suis batteur.

Max ricana en se frottant son avant-bras gauche. Des trous minuscules formaient comme une ligne droite jusqu’à la pliure intérieure du coude.

— Sans Adrian, il n’y a plus de groupe, sans Adrian, The Sound est mort, lança Max en se servant une bière.
— Adrian a eu une crise ? La belle affaire, c’est pas nouveau, ça a toujours été comme ça, ajouta Graham.
— Non, son état dégénère depuis les États-Unis, et vous le savez bien, c’est juste que vous ne voulez pas ouvrir les yeux. Bordel, on va dans le mur. Aucun album n’a marché, rien de rien, pas un mince espoir de réussite. Plus ça va aller et plus Adrian le vivra mal. Comme nous tous, sauf que nous, on finira pas dans un hôpital. Dieu seul sait où ...