Adrian
Datte: 13/08/2018,
Catégories:
nonéro,
portrait,
journal,
Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... feuille du NME sous ses yeux fatigués.
Est-ce qu’il parlait vraiment, est-ce qu’il venait vraiment de dire quelque chose ? Sa bouche, il aurait juré que ses lèvres ne s’étaient dissociées l’une de l’autre une seule seconde. Max lisait dans ses pensées, putain, qui entraient comme ça dans sa tête. Graham se saisit du journal tandis que, nerveusement, Michael commandait des cafés.
— Pas mal, non ? rigola Graham. Je ferai suivre à mon banquier.
— Pourquoi est-ce qu’on revient encore et toujours à ça ? maugréa Adrian. Est-ce qu’il existe un autre sujet que l’argent et les ventes ? C’est quoi cette merde, une revue économique ?
— Moi, j’entends qu’on est bons, se rassura Max, perplexe. Tu entends le chant des billets ? Moi j’entends qu’on est bons ! C’est une question de point vue.
— Un peu comme notre carrière, coupa Graham en fixant Max froidement.
Le serveur apporta les tasses fumantes, regarda un court instant Adrian, s’apprêta à dire quelque chose puis se ravisa et glissa la note sur la table.
— Personne ne nous connaît, les gars. Personne, souffla Michael en secouant la tête.
*
Adrian aimait remonter Hyde Park par temps clair. Et il faisait tellement beau ce jour-là. Le ciel était d’un bleu liquide qui semblait couler légèrement sur les arbres, tirant les branches et les feuilles comme dans une nature morte. Juste un peu différent qu’à l’ordinaire, un très très léger décalage comme il les aimait. Des enfants jouaient au ballon devant Elfin Oak. Le ...
... vieux chêne sculpté était comme un monstre sympathique. Une maman cria à une jeune fille à la peau claire : « Reviens ici, Tessa ! »
Tessa, c’était déjà le futur. Quelque chose de l’ordre de la science-fiction. Adrian respira un grand coup, chassant la vague d’interrogation qui le secouait soudain. Le soleil caressait son visage livide mais il sentait bien au fond de lui que ce genre de balade était bon pour son organisme, pour sa santé, pour ses globules.
Il y avait quelque temps déjà queHeads and hearts avait sombré dans l’anonymat des bacs à solde. Avec une certaine dignité, certes, les journaux donnant encore ici et là quelques nouvelles. Statik avait fini par sortir The Sound /Live at the hothouse. Succès d’estime, peu de ventes une fois de plus, une fois de trop pour le label qui les avait congédiés dans la foulée. Graham disait que tous ces enfoirés de chez Statik pensaient qu’ils étaient déjà morts. « Et tous les enfoirés en général pensent ça », ajoutait Max.
Mais le fait était qu’à la fin de cette année 1986, ils étaient sans label, ou alors on pouvait aussi dire qu’ils étaient libres, totalement et complètement libres, et c’est ce que répondrait certainement Adrian à la presse dans le cas où celle-ci daignerait encore l’interviewer.
À proximité de Marbble Arch, un Pakistanais enturbanné scandait des prêches pro-islamistes devant un parterre bigarré. Il y avait du monde en fait, plus qu’il ne l’avait d’abord discerné. Presque autant qu’à l’un de leurs ...