Adrian - Histoires de Sexe

Adrian

... discussion, qui peinait à se concentrer sur quoi que ce soit depuis sa sortie de l’hôpital. Trop de calmants, mais ça passerait.

— Pourquoi pas un nouvel album ? demanda Graham, le regard un peu vague.

Aucune chance que la suggestion aboutisse.

— Parce que, comment dire, Michael, vous ne vendez pas. Pas assez en tout cas. Pas suffisamment pour que Statik mette de l’argent sur la table.
— La tournée a plutôt bien marché en Europe, coupa Maxy Max en se curant le nez.
— Si l’on considère en tant que succès des salles de deux cents personnes remplies à moitié dans des bleds que vous êtes maintenant les seuls à connaître, alors… Enfin, en définitive, c’est une simple question de point de vue, hein… Et en l’occurrence, nous ne partageons pas forcément la même définition du mot succès.
— Berlin, Amsterdam, ce sont des coins paumés ? Ce genre de villes ne figure pas sur vos cartes chez Statik ? rétorqua Graham en tirant sur sa Marlboro.
— Ces parties-là de ces villes-là ne figurent pas sur nos cartes, Graham, d’autres questions d’ordre géographique ?
— Et donc, on sort unlive ? marmonna Graham.
— Et donc, on sort lelive au Marquee, Londres, Grande-Bretagne. La seule putain de salle que je connaisse dans tout votre périple.
— C’est un genre de best of posthume, continua Michael en rajustant ses fines lunettes sur son non moins nez fin. C’est un peu tôt, non ?
— Ou alors, on peut le présenter comme ça : c’est un genre delive qui pourrait vous ramener un peu de public ...

... et un peu de considération. Le genre de sortie qui pourrait vous aider à poursuivre votre carrière. Il est bon, cet enregistrement, Michael, intense, prenant, surprenant. Je sais que tu es le plus avisé de ce groupe, Michael, le plus clair, le plus lucide, alors il faut que tu m’écoutes.

Il tapa fort dans ses mains, attirant l’attention de tous d’un seul coup, comme un pêcheur à la ligne.

— Il faudrait que tout le monde m’écoute, bordel de merde.
— On a notre mot à dire, Damian ? le toisa Adrian.
— Pas dans le genre de contrat qu’on a signé ensemble.
— Donc, on s’incline et on attend.
— Donc, Adrian, c’est à peu près ça. Mais ça sera un double. Et vous aurez le droit de regard sur le track-listing, enfin, dans les limites du raisonnable, hein ?

Personne ne disait plus rien. À vrai dire, Adrian avait bien du mal à se souvenir comment ils avaient joué ce soir-là, ni même s’ils avaient joué. Quoique si, en fait, à bien y réfléchir, des images lui revenaient, des bribes, c’était pas mal. Bon Dieu, avait-il passé tout ce temps complètement défoncé ?

— Un double, reprit Max en agitant ses deux mains comme des pistoleros, c’est bien un double.

*

Des articles continuaient de sortir. Des gens parlaient encore d’eux. Des gars mettaient encore de l’énergie à noircir des lignes sur Adrian Borland. C’était assez rare malgré tout. Un article, une interview par mois. On avait vu mieux. Mais on avait vu pire aussi.

— Et l’eau, ça mouille, chambrait Max en agitant la ...