Adrian
Datte: 13/08/2018,
Catégories:
nonéro,
portrait,
journal,
Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... défoncé, et Adrian puis les autres membres du groupe se mettaient à rire à leur tour bêtement. Au final, Alex restait leur meilleur fournisseur niveau qualité prix et c’était bien là la seule fonction dans laquelle il excellait. Comme agent, on avait vu mieux. La tournée européenne s’annonçait mal.
La tournée, le mot faisait sourire Michael qui observait avec un œil clinique la lente agonie du groupe, cette tumeur qui les dévorait et que seule la reconnaissance aurait pu guérir. Déjà six ans qu’il courait après un début de succès. Six longues années. Son œil était clinique, sa langue devenait cynique, et ce genre de comportement l’horripilait, au moins autant que la plongée héroïnomane des autres, parce qu’il n’était pas comme ça, parce qu’il ne voulait pas être ce mec à lunettes qui secoue la tête négativement dans le fond de la salle en pensant que tout est foutu et que l’humour à sec est le dernier rempart, la seule façon de faire face, l’unique bouclier. Graham ne rigolait plus que rarement avec le groupe, la drogue les séparait, la rancune aussi. C’était déjà miraculeux qu’ils soient tous encore là après quatre albums. Autant de déceptions / autant d’excès. Mais Graham et surtout Max suivaient Adrian aveuglément.
Il était le guide, le restait malgré l’instabilité de son état. Son psychisme défaillant l’envoyait régulièrement en internement ; alors, la vie du groupe se normalisait mais l’éclat disparaissait. Même dans l’échec, le talent d’Adrian était fondamental ; ...
... c’est lui qui rendait leur vie particulière, c’est lui qui les avait mis sur le chemin d’une autre route possible, sans lui, peut-être seraient-ils tous assis, le cul vissé sur une chaise de bureau, à trier des factures ou à remplir je ne sais quel autre document administratif. C’est Adrian qui avait le talent, eux n’étaient que des suiveurs, avides de s’abreuver à sa source, curieux de ses nouvelles compositions, dans l’attente, toujours.
*
Un soir d’août 1985, pour leur dernière date à Londres, ils jouaient au Marquee. Les gars du label, dans un dernier sursaut d’énergie, avaient décidé d’enregistrer « live » en vue de sortir quelque chose, un simple ou alors carrément un double album. C’était toujours aussi aléatoire, leur foutue carrière ne reposait sur rien du tout. Adrian était survolté. Quand il avait appris la nouvelle, il s’était chargé aux amphés, suivi immédiatement par Max. Sur un nuage il jouait, dans les airs il jouait. Vite, fort, solide. C’était quelque chose à voir, et Michael, derrière ses fûts, derrière ses lunettes, à taper comme un sourd mais l’esprit parfaitement clair, l’observait avec attention, suivait les mouvements de ses bras qui syncopaient sur la guitare, et son dos large qui portait habituellement le poids de toute la misère du monde semblait s’être allégé quelque peu, délesté de quelques milliers de problèmes. Bon Dieu, ce qu’il chantait bien, se disait Michael.
— Jouez plus vite, bordel, jouez plus vite.
Et il tapait du pied sur le ...