1. Adrian


    Datte: 13/08/2018, Catégories: nonéro, portrait, journal, Auteur: HugoH, Source: Revebebe

    ... lumineux, alors que tous dormaient encore, les notes se firent plus cohérentes dans sa tête. Et il put enfin saisir cette inspiration qui chatouillait son esprit depuis des années. Il eut conscience, alors que ses doigts glissaient sur les cordes, de composer un grand titre, un de ces morceaux gravés dans le marbre de la postérité. Un soulagement profond s’empara alors de lui, un apaisement qu’il n’avait jamais soupçonné devoir exister un jour. La vie pouvait-elle être aussi légère ?
    
    *
    
    Plus tard dans le studio, toute l’équipe sablait le champagne, on se félicitait, on le félicitait, Bravo Adrian, bravo ! Ce titre-là,Total recall, donnait du poids à l’album dont le titre était maintenant définitif,Heads and hearts. Les bandes tournaient encore et encore, les visages s’empourpraient dans l’éclat des diodes. Sarah et Tim Smith qui avaient assuré une grande partie des cuivres s’enthousiasmaient sur le son de l’album. C’était moderne, actuel, ça conservait encore une touche postpunk, un peu new-wave. La production était léchée, proche duAvalon de Roxy Music, s’enthousiasmait Willy, heureux de son travail.
    
    — Celui-là va cartonner, lança Graham en levant son verre.
    
    Retour à Londres.
    
    L’album n’avait marché ni là-bas, ni ici. Les promenades californiennes semblaient maintenant appartenir à une autre vie. Quant à New York, c’était au mieux un fantasme, une chose rassurante et puissante, une source à laquelle la chimie l’aidait de temps à autre à aller puiser quelques ...
    ... forces. La vie s’écoulait lentement entre petites salles de concerts et petites salles de concerts. Bientôt, ils sillonneraient à nouveau la vieille Europe, histoire de remplir d’autres petites salles de concerts. La pluie balayait les rues avec force, c’était le mois de mars. Il usait sa santé à arpenter le parvis la tête nue et trempée. Son regard accrochait des panneaux géants. Dans ce monde figé et coloré où des gens souriaient, levaient les mains en l’air, dressaient un poing vainqueur vers l’horizon, il ressentait de la crainte mais n’aurait su dire pourquoi.
    
    Il avait donné une interview récemment au Melody Maker, une de plus. Toujours les mêmes questions / Toujours les mêmes réponses.
    
    Belles phrases, paroles sensées. Ça, pour la ramener dans la presse, sa grande gueule, il savait faire. Mais le goût amer que lui avait laissé l’interview lui montrait combien ses limites étaient déjà atteintes et comme le mensonge avait pris corps pour devenir la communication officielle du groupe. Bien sûr que le succès n’avait aucun intérêt. Bien sûr que se prendre une balle dans la tempe ne tuait pas à coup sûr.
    
    Les soirées traînaient en longueur, l’argent manquait. C’était ça la réalité de cette époque, le triste constat qui amenait régulièrement le groupe au bord du précipice. Parce que la drogue était chère, parce que lorsqu’elle venait à manquer, elle ne se partageait plus. Alex disait : « Adrian, bordel, tu vas mourir ». Et il se mettait à rire, parce que lui aussi était ...
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