Adrian
Datte: 13/08/2018,
Catégories:
nonéro,
portrait,
journal,
Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... types derrière la console, ils en avaient connu, et mis à part Hugh Jones, aucun n’avait réussi à poser son empreinte sur leur son. Alors Wally appuyait sur des boutons, donnait des indications à ses techniciens, dodelinait de la tête lentement en écoutant les mélodieuses envolées du groupe.
Car Adrian s’était relâché, avait fait rentrer un peu de lumière dans sa musique. Mais à Los Angeles, comment faire autrement ? Pour autant, toute bonne volonté qu’ait Adrian, la menace perlait encore derrière les cuivres et les claviers, dans les textes surtout.
— Tu mens, Adrian, ricanait Max en remuant sur une envolée de saxo, tu ment !
Et Willy dodelinait de la tête donc. Parce que la voix d’Adrian était magnifique, parce qu’elle éveillait comme chez ses prédécesseurs quelque chose de fragile en lui. Et qu’en bon Américain, il écoutait toujours les productions de la vieille Angleterre avec attention et bienveillance.
La vie à L.A. était sacrément bonne. Et même s’il n’était pas fan de toute cette musique locale où tous les gars jouaient si bien, si cool, si facile qu’il avait l’impression d’être un sale vaurien, même s’il n’était pas à proprement parler fanatique de cette scène, il fallait reconnaître que ça se prêtait bien au décor. Pour le coup, il n’y avait pas de hasard. Michael Mc Donald, Donald Fagen, Bill Labounty, Kenny Loggins, Kenny Loggins ! Putain, c’étaient quoi ces noms ?
C’était vraiment la belle vie. Ils portaient des vestes à épaulette, des jeans ...
... serrés, des bottes en cuir, traînaient dans les clubs du moment, mangeaient des glaces le long de Sunset Beach. Le soleil se réfléchissait sur leurs imitations Ray-Ban. Quand les rayons de fin de journée rasaient l’océan, ils observaient les surfeurs en sirotant des Buds. Des gens jouaient avec des cerfs-volants ; chacun était encore un enfant à Los Angeles. Souvent, il tentait d’appeler Mary mais elle ne répondait plus ou alors lui raccrochait au nez, ou alors c’étaient les menaces de son singe qui le remettaient à sa place, ou alors ça sonnait occupé pendant des heures.
Dans l’appartement qu’avait loué pour eux A&M, ils prenaient des drogues, Michael les observait avec dépit. La télévision était allumée en permanence et branchée sur CNN, parce qu’Adrian aimait la douce musique de l’information. Afrique, SIDA, Bourse, sport. Le monde tel qu’en lui-même. Il avait été un adolescent dans les années 70, un enfant dans les années 60, les choses avaient changé tellement vite. Des formes se dessinaient, l’avenir prenait corps, une force irrémédiable et puissante s’emparait des territoires. Les buildings new-yorkais s’étaient incrustés dans son esprit ; tous ces chiffres rouges, ces informations en temps réel qui défilaient sur les panneaux lumineux, les écrans géants qui donnaient de la pub à manger. Vraiment, et il le répétait encore et encore en enfonçant encore et encore la seringue dans sa veine criblée de trous, il n’y avait plus d’issue.
*
Un matin particulièrement ...