Adrian
Datte: 13/08/2018,
Catégories:
nonéro,
portrait,
journal,
Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... vous ne me parlez pas ? Pourquoi, quand on est en studio, vous ne me dites pas tout ça ?
— Parce que tu es dans ton monde, Adrian, tu es tellement fermé, putain, tellement fermé.
La pluie redoubla d’intensité. Octobre de merde. L’été était loin déjà. Mais il n’aurait foutrement pas su dire ce qu’il avait fait à cette époque. Des concerts, des petites salles, encore des petites salles, heureusement que les gars du NME les maintenaient encore sous perfusion. Sans quoi il n’y aurait même plus de petite salle. Il n’y aurait plus rien.
Dans une cellule capitonnée, Adrian hurlait. Ça faisait peut-être deux heures, peut-être deux minutes, peut-être deux jours. Mais ça faisait un petit moment quand même. Il y avait une lucarne à hauteur d’homme encastrée dans la lourde porte métallique. Certaines fois, de la lumière en perlait. Ses cris ne l’empêchaient pas de voir, de discerner les paires d’yeux qui se succédaient. Ses parents, son groupe, son manager Alex Northolk, ses médecins, Mary. Des gens, nombreux en fait. Plus qu’il n’aurait pensé. Et quand le hurlement serait terminé ; quand sa voix se serait tue, alors, il les remercierait. Mais tout était tourmente, Bon Dieu, tout n’était qu’un tourbillon noir qui lui dévorait les idées, jusqu’à sucer le moindre mot de sa cervelle.
C’est tout ce qui lui restait là maintenant, quelques bribes de phrases, des boucles de mélodie, c’était là, encore.
Plus tard, quand le calme revint, Adrian observa depuis l’extérieur les portes ...
... closes et démesurément grandes qui tenaient les murs sombres de l’hôpital psychiatrique. Comme par magie, la pluie tombait, parce que ce genre de lieu ne devait pas exister au soleil.
*
Ed Costinha observait les taillades larges sur les avant-bras d’Adrian Borland. Boring Adrian avait coincé un sourire sur le coin droit de son visage et ne se décidait pas à s’en départir. C’était toujours mieux que vomir.
— J’aime beaucoup cette chanson, messieurs. J’aime beaucoup ça. Comment ça s’appelle déjà ?
—Golden Soldiers, Monsieur Costinha, répondit un Graham studieux et zélé.
— C’est bien, ces cuivres, ce n’est qu’une démo mais j’apprécie que vous ayez fait l’effort de la produire un minimum. On va le faire, les gars, on va le faire.
Adrian laissait traîner son regard sur le bureau lourd, large, lisse. Des papiers bien rangés, des cassettes étalées sur la droite, des cassettes empilées sur la gauche, un petit Carl Lewis en métal sur un balancier, deux stylos-plumes de belle facture, un encrier, des photos. Ed et sa femme, Ed et ses enfants, Ed et Supertramp. Quelle merde ! Une plaque noire sur le devant renvoyait à la plaque noire sur la porte du bureau. Lettres d’or :
Ed Costinha
A&M Director
Adrian enfonça ses pieds dans la moquette épaisse, Adrian s’enfonça dans le large fauteuil en cuir. Il en tira une certaine satisfaction, certainement amplifiée par la barrette de calmant qu’il venait de s’enfiler. En définitive, Ed Costinha, même s’il portait un costume à ...