Adrian - Histoires de Sexe

Adrian

... venait d’emménager. La drogue, encore la drogue. Adrian avait appris à ne plus avoir peur de se piquer. Quand l’aiguille crevait la veine saillante et bleuie d’être compressée par le gros élastique, il souriait. Oui, il avait appris à aimer ce moment-là. Même celui-là. Maxy Max, affalé dans un pouf rouge, ricana bêtement en observant la petite poussée de sang dans la seringue.

— Putain Adrian, c’que c’est beau !

Le salon était un capharnaüm sans nom, un vrai taudis, une poubelle à peine habitable dans laquelle Max ne faisait que dormir, chier, vomir ou se défoncer. Le loyer n’était pas très cher, le West End restait abordable, c’était peu dire. La télévision grésillait doucement, un discours de Thatcher, des images des grévistes. Max zappa tandis qu’Adrian s’effondrait dans son lit dans un râle de plaisir, la seringue encore plantée dans la veine. Dehors, la pluie londonienne léchait les fenêtres sales. Le cliquetis se mélangeait à la musique. Max passait d’un vinyle à l’autre, Coltrane, le Velvet, Black Flag.

Max demanda :

— Le pire truc que tu pourrais écouter, là ?
— Je sais pas, putain, y en a tellement, souffla Adrian en se roulant sur le ventre.

Max se prépara une dose / Max demanda :

— Le truc le pire que tu pourrais écouter, là, maintenant ?
— Captain Beefheart.
— Ouais.
— Duran Duran.
— Ouais
— Burt Bacharrach.
— Sacrée liste. C’est une sacrée bonne liste, j’aurais pas mieux dit que cette sacrée bonne liste.
— J’en suis pas peu ...

... fier.

Adrian avait la tête enfouie dans un oreiller, il forçait sa voix. Texture d’outre-tombe.

— On n’a plus de label, Adrian. On est dans la merde.
— C’est Michael et Graham qui t’ont demandé de me parler ? ironisa Adrian, la tête toujours emmitouflée.
— On est tous inquiets. Je veux dire, on croit en toi. On a toujours cru en toi, mais ce qu’on a fait avecAll fall down, c’était risqué, trop risqué pour nous.
— Et on fait quoi, Max ? Hein ? On vend des aspirateurs ?
— Tu sais très bien ce que je veux dire.
— Non, je sais pas. Tu crois que tout ça se calcule ? Qu’on gère nos carrières comme dans une banque ? Je fais ce que je peux avec ce qui me vient. Tous, bordel, tous, vous me reprochez de ne pas être capable de chier un seul titre qui vende. Mais vous pensez que ça m’amuse, moi ? Vous pensez que j’aimerais pas vendre plein de disques, faire de l’argent, tourner dans des grandes salles, avoir deux cents roadies, crédibiliser tout ce bordel ?

Adrian souffla dans l’oreiller. Un trait chargé.

— Ah merde, je suis trop défoncé pour te faire comprendre que c’est dans mes doigts, que c’est dans ma tête, mais que c’est pas de mon ressort. Je ne suis pas Dieu, je décide de pas grand-chose.
— Il faudrait qu’on essaie de nouvelles choses peut-être.
— Tu penses à quoi ?

Max enfonça à son tour l’aiguille dans son bras. Ses yeux se fermèrent.

— À des cuivres, à des trucs plus pop, murmura-t-il.
— C’est ce que pensent Graham et Michael ?
— Je crois que oui.
— Pourquoi ...