Adrian - Histoires de Sexe

Adrian

... leMetal box de PIL, c’est pas les Kinks, hein ?
— C’est pas les Kinks, hein ? soupira le boss en s’affaissant un peu plus dans son fauteuil en cuir. Vous voulez qu’on parle aussi de la viole de gambe ? Vous êtes vraiment un tas de branle-couilles, c’est pas l’info du jour, mais c’est d’une actualité tristement permanente. Même Joy Division qui n’était pas le groupe le plus joyeux de l’univers a réussi un simple… De toute façon, j’emmerde ce groupe de croque-morts qui vous inspire tant, hein. Mais bon, un seul titre et ça a suffi à rendre les choses cohérentes ET c’est ce que vous ne comprenez pas. ET c’est ce que vous refusez d’intégrer. Cure l’a fait avecA forest. Quant à PIL, les gars pourraient proposer de la fanfare que ça vendrait parce que, Bon Dieu (il se signa d’une façon emphatique, d’une façon qu’Adrian trouva touchante, d’une façon que Max copia en rigolant), c’est Johnny Rotten ! Et vous, vous n’êtes toujours rien ! Rien de rien.
— C’est la dernière version qu’on vous proposera, toisa Adrian.

Son regard semblait fixer derrière le boss, juste à l’emplacement des photos, Ian Mc Cullough et ses Bunnymen. Enculés.

— Et c’est le dernier disque que vous ferez pour moi. Cette chose est invendable. Réfléchis bien, Adrian, vous pouvez encore prendre du temps, rendre tout ça plus lumineux. On n’est plus en 1980. Maintenant chaque année compte pour dix. Le postpunk, tout ce truc est derrière nous. Vous avez vu ces tafioles de Wham !
— Tu veux qu’on fasse du Wham ? ...

... Tu veux vraiment qu’on se mette des minishorts ? coupa Graham.
— Mais putain vous nous prenez pour qui, Boss ? ajouta Michael.
— J’ai dit ça ? Vous m’avez entendu dire ça ? Adrian, ces mots sont-ils sortis de ma putain de bouche ? Je constate simplement que les temps changent. La musique prend des couleurs. Alors, votre truc, c’était bien au début, Leeds, Manchester, Londres, les usines, le désespoir humain, sa vie, son œuvre, mais il est grand temps de recharger vos batteries. J’entends des choses qui m’interpellent, J’entends des choses qui me chatouillent, Depeche Mode, Siouxie, Eurythmics, même le prochain Cure, d’après ce que je sais, va s’éclaircir. Et Weller, vous l’avez vu, Weller, avec son Style Council ? De la pop de pédés, on est loin des Jams, hein ? Mais ça me grattouille. MTV est en marche, et voilà ce que vous me proposez. Pas de visuel, pas de single.

All fall down continuait de tourner en boucle, encore et encore, jusqu’à grésiller dans le lecteur. Adrian rejouait les accords dans sa tête. Ça avait du sens, vraiment, c’était bon. Qu’est-ce qui n’allait pas, qu’est-ce qui clochait avec cet abruti ?

— On ne reviendra pas en arrière.

Et il répéta la phrase une dizaine de fois jusqu’à ce que tout le monde se taise. Alors le boss se leva, s’approcha, se pencha, posa une main sur le bras nu et blanc.

— J’ai compris Adrian, j’ai compris. Maintenant, sortez tous de mon bureau.

*

Plus tard, Adrian retrouva Max dans un studio miteux où ce dernier ...