Au pays des mille étangs - Histoires de Sexe

Au pays des mille étangs

... des molécules qui me composent. Si je suis plus grande, je serai plus mince. Si je suis plus petite, je serai plus grosse.
— D’accord. Non, ne changez rien, du moins pour l’instant. C’est parfait comme ça. Et… vous avez une sexualité ?
— Non. Nous sommes bien des êtres sexués, mais depuis les restrictions de nitrogène, toute pratique sexuelle est formellement interdite pour deux raisons : cela consomme trop d’énergie et les naissances sont strictement limitées au remplacement d’un décès sur deux, pratiquées exclusivement par prélèvement d’ovules et de spermatozoïdes sur quelques individus réservés à cela. Et au bout de deux générations, nos sexes sont… comment dire ? En dormance c’est cela ?
— On peut dire cela, au repos complet, atrophiés, peut-être ?
— Oui, ils ne servent plus à rien. Chez les femmes, je ne sais pas, mais chez les hommes, c’est visible. Leurs pénis ne servent plus, même pas à l’élimination des urines puisque nous synthétisons tout à partir d’un peu d’azote, sans manger ni boire.
— Triste ! Donc en fait, vous êtes venus chercher de l’azote sur Terre ?
— Pas encore. Cette nuit, il en fallait juste un peu pour faire fonctionner notre vaisseau. Notre objectif serait d’en prendre beaucoup plus, mais tout en restant raisonnables. Par exemple, si nous prenions 20% de votre nitrogène, votre air serait légèrement modifié. L’oxygène, qui vous intéresse bien plus, passerait de 21 à 25% environ. Ce qui serait tout à fait supportable et sans dommage pour l’espèce ...

... humaine ni ses activités, au contraire les combustions fonctionneraient mieux. Le gros problème, c’est que vous n’avez pas de gouvernement global, mais des centaines de petits souverains. Même si l’un d’eux nous autorisait, comme cela impactera l’ensemble de la planète, il faudrait aussi l’accord de tous les autres.
— Ah là, c’est pas gagné ! Ils sont incapables de se mettre d’accord sur les mesures indispensables pour sauver cette planète en perdition, alors pour refiler de l’azote à des extra-terrestres, ce n’est pas près d’arriver. Et… vous envisagez une compensation ?
— Oui, bien sûr. Ce pourrait être une compensation technologique, vous aider à faire un bond considérable dans votre évolution. Mais je ne sais pas quoi, ce serait à débattre.
— Moi j’aurais bien une petite idée… Si vous êtes capables d’extraire l’azote de l’air et de le rendre solide, seriez-vous capable d’en faire autant avec l’oxyde de carbone, le CO2 ?
— Oui, bien plus facilement puisque le carbone est solide à température normale.
— Eh bien, voilà le « deal » ! De l’azote contre la fin du réchauffement climatique ! C’est super !
— Je suis contente que vous soyez content. Je transmets cela immédiatement à mes coéquipiers, que j’ai appelé mes frères, mais nous n’avons pas de lien de parenté. Ils vont interroger notre gouvernement, qui lui est global, sur cette idée.

Elle se met un peu en retrait du côté de la cuisine et se concentre. Ses copains doivent être un peu loin, ça la fait peiner un peu. ...