1. Au pays des mille étangs


    Datte: 04/01/2022, Catégories: fh, campagne, Oral pénétratio, init, sf, Auteur: Roy Suffer, Source: Revebebe

    ... sont restés modestes et toujours relativement rares, quelques bourgs et de nombreuses fermes isolées.
    
    J’aime m’y balader, il y a toujours des surprises extraordinaires. Cela va du couple de faisans qui vous barre la route à la pêche du grèbe huppé qui disparaît complètement dans l’eau et ressort quelques mètres plus loin, un poisson en travers du bec, du rat musqué construisant son nid à la libellule transparente et mordorée happée par une grenouille gourmande. Et les forêts regorgent de plus grands mammifères, gentils lapins et lièvres, graciles chevreuils, redoutables sangliers et le roi : le cerf et ses biches. C’est magnifique ! J’y ai grillé des kilomètres de pellicule au bon vieux temps de l’argentique et des mémoires numériques entières.
    
    La période que je préfère se situe à la fin de l’été, c’est celle du brame. Là, les cervidés sont fous, le sang gorgé d’hormones. Habituellement si discrets et craintifs, leurs cris rauques, longs, puissants emplissent les futaies, affirmant leur désir de reproduction et leur suprématie de mâle conquérant. Car bien sûr, c’est le plus grand, le plus beau, le plus fort qui aura droit à toutes les biches, ou presque. Ils réent pour se provoquer, mais dans cette résonance grave et profonde qui vous fouaille les tripes, vous percevez également l’appel irrépressible de la nécessité absolue de reproduction, ce besoin impérieux, voire douloureux tant il est fort, de couvrir les femelles. Nous connaissons parfois cela, nous les hommes, ...
    ... sans bramer pour autant. Il est vrai que notre période de rut ne se limite pas à un mois par an… C’est bien sûr la nuit que ce brame est le plus impressionnant, une belle nuit de pleine lune par exemple entre le quinze septembre et le quinze octobre environ, et j’aime emmener quelques amis partager cet événement naturel. La plupart sont impressionnés et adorent. Un soir, j’y ai amené une amie, pour laquelle j’aurais volontiers bramé, une fille de paysan qui m’a dit simplement :
    
    — Beuh… on dirait des veaux… Si, je t’assure, les veaux de mon père dans l’étable font le même cri.
    
    Déçu j’étais… Il lui a fallu bien du talent pour me faire oublier ce blasphème.
    
    Mais le plus souvent, j’y vais seul et à plusieurs reprises, que ce soit en repérage ou simplement pour suivre l’évolution de cette période exceptionnelle qui s’annonce timidement, croît jusqu’au paroxysme puis retombe jusqu’au calme absolu. Il faut rester prudent, l’exercice peut s’avérer dangereux, car les bestiaux excités foncent sur tout ce qui bouge, considéréa priori comme un rival potentiel.
    
    Ce soir-là, j’étais seul. La voiture arrêtée à un carrefour de trois allées forestières, j’avais eu mon compte d’appels, de réponses, de rapprochement perceptible, puis le fracas invraisemblable des bois qui s’entrechoquent dans un combat singulier. Un moment rare, j’en étais tout frémissant. Je remontai dans ma voiture et, connaissant bien les lieux, décidai de ne pas retourner vers le village, mais de continuer la route ...
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