Moi et elle et moi
Datte: 07/08/2018,
Catégories:
nonéro,
policier,
aventure,
Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe
... fois frapper la tête. Nous soupçonnons un homme, nous sommes même sûrs de tenir l’une de ces têtes. Nous voulons des preuves. C’est dangereux, la guerre, mais le pays a besoin de toi.
Je dis :
— Saint-Maixant, Paris…
— Oui, tu retrouves tes marques ? Une formation brève mais intensive. C’était le paradis : cours de lutte et culture physique le matin, autres préparatifs l’après-midi. J’apprenais à coder un message, je me construisais avec l’aide des spécialistes un passé qui résiste à des investigations plutôt poussée. Nous n’avions pas affaire à des enfants de chœur.
— Ainsi naquit Christine Convers.
— Oui. Nous avons poussé les choses très loin. En fait, nous avons créé Christine de toutes pièces depuis sa naissance.
— Au point qu’après l’accident, les gendarmes y ont cru eux-mêmes. Et moi, faute de souvenirs, je suis entrée dans ce moule. Mais que s’est-il passé ?
— J’ai commis une erreur. Ils m’ont interrogée, exécutée.
— Mais ils ont manqué leur coup !
En prononçant ces mots, une sauvage exultation m’emporte : on ne se débarrasse pas ainsi de Nicole !
J’ouvre les yeux. Penché sur moi, Sylvain me regarde, anxieux. Je souris à ses yeux d’Archange :
— Nous nous sommes retrouvés, lui dis-je.
Je ne crains personne, pas même moi. Je fais à nouveau l’amour à Sylvain, non plus à titre thérapeutique comme précédemment mais pour la pure griserie de posséder, retenir ce corps magnifique. Nicole était une grande amoureuse.
Non, il va falloir que je ...
... cesse de parler d’elle à la troisième personne : je suis une grande amoureuse, traversée par des besoins intenses.
Sylvain, conquis, ne s’inquiète pas de la venue prochaine de nos visiteurs. Il est confiant. Je lui ai promis que tout se passerait bien et vite.
Françoise a moins confiance. Peut-être parce que je ne lui ai pas fait l’amour. Plus sérieusement, elle me voit encore en tant que Christine.
Elle voudrait que j’appelle mes employeurs, mon père. Mais l’orgueil de Nicole, mon orgueil a posé ses exigences : je vais achever le travail qui m’a été confié.
Et puis, ils ont essayé de me tuer. J’ai un compte à régler.
Je fais l’amour et je mange. À ces deux activités, je me livre avec conscience et concentration. L’heure de la confrontation approche : je l’aborderai dans les meilleures conditions.
Un seul regret, un reproche à adresser à Christine : avoir négligé l’entretien de ce corps qui est notre copropriété. J’ai pris des kilos, le souffle est un peu court. Mais la machine reste opérationnelle.
Lorsque la voiture stoppe dans la cour, je suis prête. Jacques entre le premier. Il fume ses puantes petites cigarettes dont il s’est servi, précédemment, dans une autre vie, pour graver dans ma peau ces cloques qui ne s’effaceront jamais totalement.
— Christine Convers, dit-il.
Je me garde de le détromper. Nicole, en veilleuse, tapie, invisible, ricane sauvagement. Christine occupe le devant de la scène et porte sur le visage une innocence pleine et ...