1. Moi et elle et moi


    Datte: 07/08/2018, Catégories: nonéro, policier, aventure, Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe

    ... compressées, vient de me percuter. La vie d’une autre a fait irruption dans la mienne.
    
    Des images violentes, toujours.
    
    Elle s’appelle Nicole, c’est l’une des seules choses que je sais d’elle avec certitude. J’en parle comme si elle existait réellement. Ces bribes d’imaginaire possèdent une cohérence, une intensité que je peux difficilement associer au rêve. Je suis peut-être en train de devenir folle.
    
    Nicole est assise sur une chaise. Une situation banale ? Elle est nue, les mains liées au dossier. Un homme, plusieurs — la vision en est confuse dans une lumière éblouissante — vont et viennent, répétant inlassablement les mêmes questions : « Qui êtes-vous réellement, Nicole ? Pour qui travaillez-vous ? » Et tout aussi inlassablement elle répond : « Je m’appelle Christine Convers, vous pouvez vérifier. » Cette réponse ne les satisfait pas. Ils manifestent ce mécontentement en la frappant. Elle perd conscience à force de coups. Lorsqu’elle ouvre à nouveau les yeux, les phares d’une voiture se ruent dans sa direction. Le choc l’envoie valser dans les étoiles.
    
    Ce souvenir, ce pseudo souvenir me hante désormais avec une croissante intensité. Deux, trois, dix fois par jour la même séquence se répète avec de minimes variations.
    
    Ce matin, mes tortionnaires me brûlaient la peau des bras avec des cigarettes. La sensation en était si réelle que je me suis arrêtée en pleine rue pour crier.
    
    Je viens de découvrir quelque chose qui me terrifie : aux endroits où ces hommes ...
    ... brûlaient Nicole avec l’extrémité incandescente de leurs cigarettes, je garde de minuscules cicatrices. Ce qui pourrait subsister, au bout de plusieurs années, de brûlures de cigarettes. Ou tout cela n’est-il que le produit de mon imagination ?
    
    À Alger, chez mes parents, j’avais une chambre pour moi seule. Un grand lit bas, des livres, des disques, une penderie sombre avec une glace contre la porte, à l’intérieur. Mon père fabriquait des machines. Quel genre de machines ? Impossible de m’en souvenir. Et voilà bien le vrai problème : mon passé, sitôt interrogé, se dérobe, devient flou et aussi insaisissable qu’un filet d’eau.
    
    Pourtant, par l’intermédiaire de cette chère Nicole, je viens de saisir un fil qui, peut-être, me reliera à ce passé obsédant : celui de Nicole mais, aussi, je le pressens, le mien. Un fil ténu qu’il s’agit de ne plus lâcher si je veux connaître un jour la vérité. Mon seul espoir, peut-être, d’échapper à la folie.
    
    Un nom. Ce nom doit posséder une énorme importance pour Nicole, car il a surgit subitement dans ma, dans nos mémoires. Jacques Serguine. Je ne sais si Nicole a aimé cet homme ou si elle a travaillé pour lui, mais à la tonalité de ce nom dans ses souvenirs, je sais qu’il revêt pour elle une grande importance.
    
    Comment retrouve-t-on un homme à partir de ses seuls nom et prénom ?
    
    L’annuaire électronique ne rend rien, sans une adresse. Je lance, à tout hasard, une recherche sur Internet. Le moteur de recherche me retourne des douzaines ...
«1234...7»