Aphasie
Datte: 30/09/2021,
Catégories:
fh,
fplusag,
couple,
médical,
Collègues / Travail
amour,
pénétratio,
fsodo,
init,
initiatiq,
Auteur: Roy Suffer, Source: Revebebe
... médecine, je l’ai trouvée inanimée, des boîtes de médocs sur la table. Je crois que c’est là que j’ai décidé de faire psychiatrie. Comprendre ce qui peut amener un être humain à se donner la mort, alors que le penchant naturel est d’en avoir très peur.
À notre retour, il me reste encore un mois de vacances que je passe en grande partie à l’imprimerie, apprenant plus finement les divers métiers et donnant un coup de main pour remplacer les employés en congé. Cet intérêt et cette aide sont appréciés. Quand les inévitables coups de blues m’atteignent, je vais me recueillir au cimetière. Dans trois mois, j’aurai dix-huit ans et je perdrai ma tutrice. Nouvelle angoisse. Au lieu de bosser le bac, je passe mes soirées à refaire les pièces de l’étage, aménageant secrètement un bel appartement. J’ai un projet, un coup à tenter.
Mes dix-huit ans arrivent, ça se fête. Premières bouteilles à l’imprimerie, puis dîner à deux. J’ai sorti le grand jeu : traiteur, bougies, un vrai dîner d’amoureux. Ma dulcinée sourit, avec cependant un petit pli d’amertume. J’imagine qu’elle aurait souhaité vivre cela en d’autres circonstances et avec l’homme qu’elle aimait.
— Mireille, c’est peut-être un dîner d’adieu, ce soir tu es débarrassée de moi. On peut se tutoyer maintenant, non ?
— Si, on peut. Maintenant tu es guéri, tu es majeur. Tu n’es plus mon patient, plus mon protégé. Je dîne chez un ami.
— Alors voilà. J’ai un truc à te proposer. Je vis seul dans cette grande maison que tu m’as ...
... aidé à transformer. Mais c’est bien trop grand pour moi tout seul. En même temps, c’est dommage de ne pas en profiter, maintenant qu’elle est plutôt sympa. Au lieu de dépenser un loyer, tu pourrais venir t’installer ici…
— Ha-ha ! Ça je n’y aurais pas pensé. Hou-hou ! Jérôme ! Je suis une femme adulte, libre et qui entend bien le rester. J’ai besoin d’indépendance.
— Mais regarde : ta chambre, ta salle de bain perso, ton salon avec grande terrasse sur le stock, ton dressing, même le coin kitchenette, tu peux être complètement indépendante.
— Indépendante, mais chez toi. Un peu gros, non ? J’avoue que tu es adorable et que tu as fait un travail magnifique. Mais… Vous auriez mieux à faire en piochant votre bachot, jeune homme !
Bon. Comme fin de non-recevoir, c’est clair. Mon super dîner aux chandelles me reste un peu sur l’estomac, surtout lorsqu’elle me quitte avec la pire des phrases :
— À bientôt, on se téléphone…
Je n’ai effectivement plus qu’à me consacrer au bac. C’est très chiant, j’ai l’impression de ressasser parce que ma mémoire est intacte. Mon boulot est surtout de traquer les parties de programme où j’étais absent, les impasses réalisées par les profs eux-mêmes, par manque de temps. Mine de rien, je m’emmerde ferme, et le blues revient au galop. Trois semaines sans nouvelles de Mireille, mon orgueil, qui en a pris un coup, m’interdit de la rappeler. Un samedi, c’est elle qui me sonne.
—Ça va ? Tu es pris demain ? Alors je t’invite, je fais un curry de ...