Aphasie
Datte: 30/09/2021,
Catégories:
fh,
fplusag,
couple,
médical,
Collègues / Travail
amour,
pénétratio,
fsodo,
init,
initiatiq,
Auteur: Roy Suffer, Source: Revebebe
J’ai seize ans, bientôt dix-sept, en première au lycée. Plutôt bon élève, je n’embête personne, ni les profs ni mes parents, même si je n’en fiche pas une ramée. C’est comme ça depuis le début de l’école, tout me paraît facile et je n’ai pas besoin de travailler. Ça me joue quelques tours, surtout sur les connaissances à apprendre et restituer bêtement, parce que je n’apprends pas mes leçons. Je compte sur ma mémoire, et si par mégarde je rêvais un peu durant le cours précédent, je me ramasse. Jamais grave, ça me permet au contraire de ne pas avoir une moyenne trop élevée et de ne pas être emmerdé par les copains de ma classe, je me fonds dans la masse des « peut mieux faire ». Ma passion : la lecture. Ben oui, ça existe encore. Pour moi, c’est un peu normal, je suis tombé dedans très jeune.
Mes parents sont imprimeurs. Pas la grosse usine qui sort les romans de gare à la tonne, non. Imprimeurs d’éditions de luxe dans un atelier d’imprimerie familial et hérité, on est imprimeurs de père en fils depuis Gutenberg ou presque. Pour mes parents, la vie est dure, il faut porter l’atelier à bout de bras, trouver des marchés, faire des salons, trouver des fournisseurs pour le papier, pardon le vélin, le cuir pour les couvertures, les bons ouvriers pour actionner les ancestrales machines… Ils sont toujours partis. Mais ils me font confiance, je n’ai plus besoin de nounou, et comme je suis un garçon calme et sérieux ils me laissent seul deux ou trois jours, le temps de s’occuper de ...
... leurs affaires. Ça me permet d’errer dans l’atelier le soir, après le départ des employés, d’y humer toutes ces odeurs miraculeuses, dans le magasin aussi et de toucher tous ces beaux ouvrages que je dévore en primeur. J’aime ça, définitivement. Leur ambition, c’est bien sûr que je reprenne l’affaire un jour, mais avant cela que je me qualifie en informatique pour « parvenir à la moderniser sans la dénaturer », répète souvent mon père. L’idée me convient, l’ambiance de l’imprimerie me plaît, j’adore les bouquins, et puis je n’aurai pas à chercher de boulot.
Nous habitons juste à côté de l’atelier, une maison elle aussi familiale, un peu vieillotte et qui aurait elle aussi besoin d’un rajeunissement. Il y fait frais l’été, et c’est agréable, mais plutôt froid l’hiver. Les murs de pierre sont épais mais sans isolation, pas plus que les vieilles fenêtres de bois, les plafonds sont très hauts et le chauffage central obsolète et à bout de souffle. Mais c’est moi qui y passe le plus de temps. Mes parents partent à l’atelier dès sept heures, avant l’arrivée des employés, passent rapidement à midi casser une graine très vite et souvent en décalé, et ils rentrent le soir quand ils peuvent, parfois très tard quand il s’agit de faire les paies, les factures ou les bilans. En fait, mon père a épousé la comptable, et ils sont aussi passionnés l’un que l’autre par leurs métiers, l’atelier, la défense de cet artisanat en voie de disparition. J’ai dû être conçu par inadvertance, au début ...