Résonance pour le vide
Datte: 28/07/2018,
Catégories:
nonéro,
Auteur: Lilas, Source: Revebebe
... entraîné, si loin et si fort, dans l’amour, puis dans la souffrance, quelques mois auparavant. Elle compta ces mois. Quatre. Quatre mois à tâcher de survivre dans ce monde vaste,infini, quatre mois à se répéter minute après minute que demain serait un autre jour. Un autre siècle. Que bientôt, cette souffrance partirait, ne serait plus qu’un fantôme repoussant et errant dans les limbes de son âme.
Mais la sensation de vide, de manque, était encore là, tout près. Trop près. Et Liana ignorait comment la déloger de là. Qu’avait pensé d’elle cet homme immense et imperturbable ? Comment avait-il pu deviner ses tourments aussi rapidement ? Était-elle si mauvaise comédienne ?
Sûrement, se dit-elle avec amertume,puisque je suis incapable de m’en convaincre « moi-même ». Comment pourrais-je convaincre les autres ?
Pendant ces quatre mois, elle avait soigneusement évité tout contact social. Elle sortait de chez elle seulement lorsqu’elle commençait à étouffer dans sa chambre, ou à étoufferen elle.
Sortir, voir du monde, remplir ses poumons d’air frais, signifiaient davantage qu’une brève promenade. Évoluer dans ce milieu où se pressait la population de la ville, c’était pouvoir s’oublier dans cette population. S’oublier elle-même. Oublier ce dégoût d’elle. Oublier cette honte, cette humiliation, cette souffrance, ce manque, tout ce qui lui pourrissait la vie.
Ne plus sentir ce vide qui la happait tout entière. Comme si elle ne pesait rien dans l’espace de cette dimension, ...
... comme si elle n’était rien. Chaque journée passait comme une année, si lentement qu’elle avait souvent envie de hurler pour accélérer ce temps qui refusait de passer. Parce que pour oublier, il fallait du temps. Mais comment faire quand ce temps s’obstinait à courir sur le cadran d’une montre suisse ?
Puis elle avait cherché du travail, pour ne pas s’asphyxier dans sa propre solitude. Elle avait été engagée à temps partiel dans une petite bibliothèque de la ville. Le salaire n’était pas très élevé, au désespoir de ses parents qui ne la voyaient pas s’enterrer sous les livres poussiéreux d’une quelconque bibliothèque municipale. Mais Liana s’en fichait. Elle avait besoin de ce travail, non pas financièrement, mais pour s’aérer la tête. Elle avait trouvé un studio en centre-ville et y passait la majeure partie de son temps, quand elle ne travaillait pas. Se parents comprenaient certainement qu’elle avait besoin de connaître une autre existence, car ils n’avaient pas insisté pour la retenir à la maison.
– Ne sois pas en colère contre toi, avait murmuré sa sœur aînée, qui avait fêté ses trente ans cette année. Quelle sagesse ! avait obscurément songé Liana. Pourquoi était-elle la seule à ne rien comprendre d’elle-même, puisque tout le monde semblait si bien la cerner et deviner ce qu’elle était et ce qu’elle ressentait ?
– Dites-moi donc qui je suis et pourquoi je suis ainsi, pensa furieusement Liana, ses paupières closes toujours masquées par sa main. Mais cette fureur ...