Résonance pour le vide
Datte: 28/07/2018,
Catégories:
nonéro,
Auteur: Lilas, Source: Revebebe
... était teintée de peine, et lorsque la jeune femme ouvrit les yeux et regarda ses genoux repliés, à travers ses doigts, le voile embué de ses larmes pâlissait sa vision.
Puis une nouvelle fois, elle pensa à M. Tomaze. Il lui semblait qu’il lui était impossible, à présent, de se défaire de l’existence de cet inconnu étrange et mystérieux.
Tout avait commencé il y a trois semaines, lorsqu’une de ses collègues de la bibliothèque, Flora, lui avait parlé d’un écrivain très connu dans la profession, et très original. Elle l’avait rencontré à une conférence sur l’art de la Renaissance, et son mari étant professeur d’histoire à l’université, spécialisé par cette époque, il avait lié connaissance avec Tomaze et lui avait présenté sa femme. Elle avait ainsi appris qu’il habitait la ville depuis près d’un an.
– Que fait-il donc de si original, cet homme ? avait demandé Liana sans la moindre curiosité.
Écouter le bavardage prolixe et quotidien de sa collègue, Flora, était parfois pour Liana une torture insoupçonnée. Certains matins, la jeune femme se sentait si mal et si déprimée qu’il lui était presque impossible d’être aimable avec Flora. D’autres jours, le caquetage permanent de cette dernière agissait presque comme un anesthésiant sur Liana, et l’empêchait de tomber dans ce mutisme qui lui permettait trop souvent de s’échapper de la réalité. Mais, lucide, la jeune femme savait que cette fuite était négative, et ne pourrait jamais l’aider à s’en sortir. Et c’est pour cette ...
... raison qu’elle faisait des efforts parfois surhumains pour prêter une oreille attentive au déballage de paroles, gai et ouvert, de Flora.
Heureusement, Flora ne semblait pas lui tenir rigueur de ses écarts d’humeur. Intarissable, elle sortait Liana de sa léthargie, devinant sans en avoir l’air la terrible blessure qui abrutissait Liana, comme un coup de poing qu’on lui aurait donné dans le plexus.
Et c’est ce qu’elle faisait ce jour-là.
– Il écrit des histoires que les gens ont vécues réellement, expliqua Flora, tout en continuant à ranger des livres dans les rayons. Un peu comme les films qui reprennent des faits divers.
Liana s’interrompit un instant. Il fallait changer toutes les étiquettes des rayons, mais elle venait de s’apercevoir que le papier qu’elle avait choisi n’était pas auto-collant. Avec un soupir, elle froissa les étiquettes déjà imprimées et disparut derrière le bureau pour fouiller les tiroirs.
– Et vraiment, continuait Flora, au-dessus d’elle, perchée sur un tabouret, vraiment, ces histoires sont surprenantes. Est-ce que tu te rends compte qu’à chaque fois qu’il écrit une histoire affreuse, elle s’est réellement passée ? Qu’à chaque fois que nous avons pitié d’une personne, elle existe réellement et a vécu ces choses-là ? C’est vraimentterrible.
Flora hochait la tête, d’un air grave, puis elle reprit sa besogne. Liana surgit enfin de derrière le bureau, munie du précieux papier auto-collant, et l’installa dans l’imprimante, ne perdant pas ...