1. Le jour de la Saint-Enselme


    Datte: 05/07/2018, Catégories: fffh, exercice, historique, pastiche, délire, Humour historiqu, contes, Auteur: User UnKnown, Source: Revebebe

    Un doux soleil printanier, à peine tempéré par une brise fraîche et vivifiante venue du large, irisait de ses premiers rais les toits de chaume du petit village. Les branches des pommiers en fleurs s’agitaient d’un mouvement ample et débonnaire tels des bras saluant l’arrivée de la belle saison, tandis que, juchées sur icelles, le roucoulement des hirondelles témoignait de la renaissance ineffable du cycle de la vie.
    
    La plaine verdoyante, grassement arrosée par les nuages normands au cours de l’hiver, luisait de rosée, s’incurvait en pente douce, offrant plus bas son flanc minéral aux rouleaux affectueux d’une mer rieuse. Au milieu de l’écume charriée par les vagues, deux drakkars reposaient paresseusement, à peine importunés par le clapotis du ressac.
    
    Sur le petit chemin pierreux menant au village, les derniers défenseurs achevaient de se faire tailler en pièces, tandis que leurs camarades moins courageux avaient depuis belle lurette laissé leurs armes pour s’enfuir vers l’intérieur des terres. La plupart de ces braves paysans appartenaient à cette seconde catégorie, plus habituée au labour de la terre qu’à sa défense. Le traditionnel raid viking de la Saint-Enselme avait poussé les habitants en âge de porter les armes à une circonspection remarquable, les plus impétueux étant promis à une gloire aussi rapide que posthume.
    
    Tandis que le fracas d’une bataille perdue d’avance couvrait le gazouillement des oiseaux, à l’intérieur des chaumières, on se préparait avec ...
    ... fatalisme à l’inévitable dénouement. De mémoire d’ancien, jamais Saint-Enselme ne s’était passée sans que le village ne fut mis à sac. Désormais, la coutume voulait que l’on laisse les huis ouverts, les chevillettes tirées et les bobinettes cherrées, afin de préserver les portes de l’ire des haches nordiques. Le blé pillé repoussait, l’or se regagnait, la vertu des villageoises n’était déjà qu’un lointain souvenir, mais l’économie locale ne pouvait supporter annuellement la perte de ces belles pièces de chêne ouvragé.
    
    Dans la plus petite des maisons, un peu à l’écart du village, trois damoiselles, toutes sœurs, attendaient, assises dans la pièce commune sur de rustiques escabelles. En vérité, c’étaient de belles et bonnes Normandes, jeunes assez pour n’avoir point encore pris époux malgré qu’elles fussent toutes trois dans leurs vertes années. Leur père travaillait durement aux champs pour payer une dot qui terminait chaque année dans les coffres des drakkars, exemple qui montrait autant le courage au labeur de ces rudes paysans que leur regrettable absence de sens commun.
    
    Par un curieux hasard, l’aînée était rousse, la seconde brune, et la cadette blonde, particularité que le père, fort pieux et point trop sagace comme on le vit, préféra attribuer à la bienveillance de Saint Grégoire, patron du village, plutôt qu’à la mignardise de son épouse. Laissées là seules par la pusillanimité des galants du village, à la merci des mœurs barbares des féroces guerriers vikings dont ...
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