1. L'au-delà


    Datte: 26/05/2018, Catégories: forêt, campagne, jardin, voyage, nonéro, mélo, Auteur: Musea, Source: Revebebe

    ... Lentement, avec l’émerveillement des premières fois.
    
    Hier et demain se mélangent. J’entends les rires d’enfants sous le tilleul, le roulis des boules de pétanque sur le chemin forestier, le crépitement de la pluie sur les feuilles de ronces en attente de mûres, le jappement amical de Sheila, la bourrasque des jours de neige.
    
    Et puis juste en dessous, le glouglou de la source parmi les chants d’oiseaux.
    
    Sa main dans la mienne, je descends jusqu’au bassin de pierre.
    
    — Viens ! Il faut que tu goûtes cette eau-là ! Ici, tu peux boire à même le ruisseau sans être jamais malade.
    — Elle est fraîche ! Elle a un goût incroyable. Pur. On a l’impression qu’elle sort directement de la montagne.
    — C’est le cas ! Et aucune pollution dedans. Les voisins y veillent.
    
    Il reprend une gorgée. La savoure, en contemplant les prés fleuris.
    
    — Tu comprends pourquoi j’aime être ici ? Pourquoi il voulait y terminer sa vie ?
    — Je comprends. C’est un lieu d’apaisement.
    
    Il a caressé ma main, les larmes aux yeux. Il sait déjà ce que je ne lui dirai pas.
    
    Nous descendons sur la route en bordure des prés, longeons les merisiers qui offrent encore quelques fruits et passons le corral.
    
    Je cours jusqu’au vieux noyer que j’étreins affectueusement :
    
    — Je suis revenue à la maison ! Je ne t’ai pas oublié, tu sais ! Je suis là… Je suis là…
    
    Je retrouve ma place à ses pieds, ma vue de peintre, le paysage qui se donne. Je reconnais l’ombre douce, les troncs bruns et hauts, la caresse ...
    ... jaune sur les cimes.
    
    Ils ont déboisé un peu sur la colline d’en face. Mais ça ne fait rien ! Tout est là de nouveau. Tout est à sa place et moi aussi.
    
    « Je te donnerai l’au-delà du monde », m’avais-tu dit…
    
    L’au-delà, je l’ai trouvé ici.
    
    Chez toi est devenu, par la magie de ta maison et de la nature environnante, sauvage et féérique, chez moi : le meilleur de l’enfance que j’ai eu s’est déroulé ici, mes racines profondes, familiales ont grandi dans ces paysages et la femme que je suis y a passé ses plus belles vacances auprès des siens.
    
    Tu es ce que j’ai de plus cher, de plus beau à transmettre, homme qui te croyait sans famille. J’étais ton enfant secrète, celle qui comprenait sans parler tes chagrins, tes joies, tes peurs. Tu étais mon père, celui que j’avais choisi parmi ceux qui m’aidèrent à grandir.
    
    Aujourd’hui que tu n’es plus là pour me montrer les choses, je voudrais garder cet endroit où tu posas tes valises et tes derniers regards. Non pas pour en faire un sanctuaire mais pour le perpétuer.
    
    Le faire connaître et aimer à Raphaël et Nina, l’ouvrir aux amis, y planter d’autres arbres, cultiver un jardin potager, faire de ces lieux un abri de famille en cas de coup dur.
    
    La maison semble d’accord. Un rayon de soleil frappe la vitre de ma chambre comme un clin d’œil complice.
    
    « Je t’attendrai le temps qu’il faudra ! Ne t’inquiète de rien. Nous nous retrouverons ! Parce que je t’ai choisie pour prendre soin de moi. Parce qu’ici tu seras toujours ...
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