1. Souvenirs de plumes


    Datte: 20/05/2018, Catégories: fplusag, profélève, école, exercice, nostalgie, Auteur: Laure Topigne, Source: Revebebe

    ... parvins enfin au slip que marquait en effet une auréole odorante qui n’était point d’encre.
    
    La suite n’ayant pas de rapport à l’écriture et à ses supports, je ne voudrais pas ennuyer d’éventuels lecteurs avec des hors propos. Je me contenterai d’ajouter qu’il ne fut plus question de loyer entre nous et que quelques semaines plus tard, sur l’oreiller, elle me confia que leur récupération n’avait été que prétexte pour entrer en contact (c’est là un euphémisme) avec moi. Que pourtant elle ne savait comment faire et que mon stylo l’avait tirée d’un cruel embarras. C’est ainsi que, pour la première fois, je gagnai de l’argent et d’autres agréments grâce à ma plume et j’en suis, au grandPélikan, reconnaissant.
    
    Dans ma carrière amoureuse qui suivit, j’ai toujours submergé mes amies de missives lascives écrites à l’encre et j’aurais dérogé en confiant la noblesse de mes sentiments à un ignoble stylo ou, pis encore, à un traitement de texte et une imprimante, fut-elle à jet d’encre. Faut-il voir dans les épisodes rapportés les prémices de cette toquade ? Et si vraiment l’inspiration sourd de dessous les jupes des filles celle de mon institutrice amorça-t-elle mes effusions ? Je ne peux m’empêcher de penser que oui.
    
    L’une de mes tendres maîtresses se montrait si friande de ces billets gribouillés selon l’instinct du moment qu’un jour je lui ai demandé ce qu’elle préférait de mes gestes ou de ma geste d’amour. Sans ambages, elle m’a rétorqué que c’était là, deux aspects d’un ...
    ... unique bonheur. Certains l’auraient vécu comme un terrible affront, moi, j’y ai perçu une émouvante louange.
    
    -ooOoo-
    
    Des lettres, j’apprécie toujours l’ensorcelante calligraphie : à quels démons convient les jambes largement écartées du A, à quels rêves porte le poitrail vigoureusement pointé et conquérant d’un P, quel abyme secret dissimule le triangle sacré de l’Y et sur qui, sur quoi, se refermeront les bras écartelés du T ? Quelle tendresse entrelace deux V dans l’étreinte d’un W et de quels vœux l’embonpoint généreux d’un B appelle la raideur ithyphallique du I. J’imagine le jet puissant d’un J qui asperge les nues de son extase et compatit à la douleur d’un adolescent boutonneux qu’un X crucifie au seuil de son plaisir tandis qu’un M lui ouvre des perspectives décolletées. J’invoque l’O lubrique, à la géométrie variable tantôt enclos sur ses timides pudeurs, tantôt découvrant indécemment son mystère, tantôt encore enserrant de son nœud coulant l’E complaisant pour sous notre œil complice animer un cœur aimant. Reste le Q, plus sonore que graphique, décorant la fastueuse rotondité de sa croupe d’un appendice caudal discret ou d’un sombre frisson. Le Z enfin appelé pour conclure qui zozote entre zob et zizi dont il raille et brise les prétentions.
    
    J’assemble ensuite ces licencieuses pattes de mouche pour en tirer des éclats sonores sur la flûte de Pan en accord parfait (c’est du moins mon souhait) arpégés ou les égrener en contretemps subtils sur l’aulos d’une ...