1. Souvenirs de plumes


    Datte: 20/05/2018, Catégories: fplusag, profélève, école, exercice, nostalgie, Auteur: Laure Topigne, Source: Revebebe

    ... communautés à commencer par celle des parents. En avons-nousbavé de ces plumes quibavaient et se libéraient en gros pâtés d’un noir violacé à côté de la cible. Nous tentions ensuite de réduire ces souillures grâce au buvard qui, le plus souvent, ne faisait qu’étaler notre infortune. En avons-nousbavé de ces cahiers de brouillon au papier grossier, tavelé par des rognures du bois qui avait servi à leur confection. Ces aspérités accrochaient la plume qui, en se libérant tel un ressort, faisait gicler l’encre en gouttelettes minuscules. Les feuilles étaient si absorbantes que toute écriture, autre qu’au crayon, s’auréolait d’un réseau microscopique de fines veinules. Immanquablement, le dos de ces cahiers dit d’essais s’ornait des tables de la loi multiplicative, car écrire et multiplier constituaient alors les deux mamelles de l’école primaire.
    
    Étions-nous malheureux pour autant ? Absorbés par l’auguste tâche de calligraphier des lignes d’e dans l’o (œ) (1) nous pressentions sans doute que cela nous servirait dans un avenir lointain et indistinct à écrire cœur sans trop de rancœur. D’autres plaisirs étaient plus immédiatement afférents ainsi le catapultage d’encre dans le dos du félon qui avait dénoncé votre ignoble forfait consistant à dérober un morceau de craie pour tracer une marelle dans la cour, celui de noyer des mouches dans l’encrier ou la cérémonie du nettoyage trimestriel de ces derniers dont nous sortions barbouillés de pied en cap.
    
    Au reste, savoir manipuler ...
    ... laBaignol & Farjon sans trop vous maculer et en préservant votre entourage immédiat vous faisait accéder à une première majorité. Tous les fantasmes étaient permis et l’un de mes amis m’avoua en fin du collège que s’il tentait le concours de l’école normale c’était, outre d’autres avantages, pour obtenir le privilège d’utiliser l’encre rouge, en principe réservée à souligner nos errances ou à condamner nos ignorances.
    
    En ce qui me concerne, l’aventure la plus mémorable m’advint au CM2 avec mon institutrice que nous appelions entre nous, laSergent-Major.
    
    Ce soir-là, je ne sais plus quel forfait me valut une retenue durant laquelle j’étais censé laver mes fautes à l’encre noire en recopiant quelques fables de La Fontaine. Maladresse ou rage, je cassai ma plume et ne parvins pas en retirer le talon du porte-plume.
    
    J’en informai la maîtresse omnisciente qui me demanda de lui apporter l’objet récalcitrant. Je ne tardai pas à le lui tendre ainsi qu’une nouvelleSergent-Major extraite de mon plumier (nous n’avions en ces périodes reculées ni trousse, ni fourre-tout). Ma fébrilité m’en fit renverser tout le contenu devant le bureau. Pendant qu’armée d’une pince, elle tentait vainement la délicate extraction, moi accroupi, je glanais les petites piques que j’avais dispersées sur le sol. Nous n’étions pas dans la salle qui lui était ordinairement dévolue et elle n’avait pas dû remarquer l’absence de la planche qui d’habitude fermait l’avant du bureau. Je me trouvais ainsi juste ...
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