Le meurtre du docteur Ribowski - Histoires de Sexe

Le meurtre du docteur Ribowski

... ?
— Oui, après quelques ennuis. Mais tout est arrangé maintenant.
— Ce n’était pas trop grave ? demanda le barman.
— J’ai été agressé en sortant d’ici la dernière fois que je suis venu.
— Près d’ici ? Nous n’en avons pas entendu parler.
— La réalité est que je ne me souviens de rien. J’avais dû abuser de vos whiskies, répliqua Armel en riant.
— Non, Monsieur, je ne crois pas. Vous savez déguster. Pas comme d’autres.
— Pourtant je n’ai vraiment aucun souvenir de cette soirée.

À l’égal de sa virtuosité, la mémoire de Bernard était infaillible.

— Il est vrai que vous m’avez surpris, ce soir-là. Vous avez accepté un verre d’un client. Plutôt inhabituel chez vous. Une cliente, d’ailleurs… Vous êtes reparti avec.
— Vous pouvez m’en dire plus ? demanda Armel soudain attentif aux propos du barman.
— Vous ne vous souvenez vraiment pas ?
— De rien. Comment était cette femme ?
— Elle ne ressemblait pas à nos clientes habituelles. La cinquantaine, les cheveux courts poivre et sel, un tailleur démodé. Mais des bijoux de valeur anciens, peut-être de famille. Rien à voir avec les femmes délaissées qui cherchent une aventure, comme il y en a tant ici.

Le barman hocha sa tête argentée avec un sourire fataliste.

— Quoi d’autre ? insista Armel.
— Je suppose qu’elle vous attendait. Elle vous a rejoint dès que vous vous êtes installé. Elle était là depuis plus d’une heure et n’avait pas bu la moitié de son verre.
— Et ensuite ?
— Vous avez commandé votre whisky ...

... habituel. Vous êtes partis très vite tous les deux. Vous ne deviez pas vous sentir bien, car elle vous soutenait. C’est elle qui a réglé vos consommations.

La table d’angle était toujours libre, et Armel prit place dans un fauteuil. Les propos du barman l’avaient perturbé. La description de la femme aux cheveux gris ne correspondait à aucune de ses connaissances. Il s’étonnait que Lemarrois n’ait pas approfondi cette piste. Si Bernard avait vu les inspecteurs, il lui en aurait parlé.

Les notes langoureuses distillées par un jeune pianiste aux cheveux longs, conjuguées au goût délicieusement terreux du whisky de malt avaient isolé Armel des conversations feutrées duBristol Lounge. Il sursauta en découvrant qu’une femme était installée dans le fauteuil face au sien et avait posé sa coupe de champagne sur la table basse. Elle semblait absorbée par ses pensées et restait silencieuse.

Armel l’examina fugacement, intrigué par son élégance et sa prestance. Ses cheveux blonds tirant sur le roux étaient ramassés en un chignon lâche, dégageant un visage aux traits fins rehaussé par des pommettes hautes parsemées de légères taches de rousseur. Ses yeux, d’un bleu sombre, attiraient immanquablement les regards. Ses mouvements rares et maîtrisés contribuaient à l’aura qu’elle dégageait, mélange d’autorité naturelle et de confiance en elle. Sa tenue renforçait cette impression. Une veste de smoking noire assortie à une jupe droite recouvrait un chemisier gris perle dévoilant un large ...