1. Mon patron, cet abruti (4 / 7)


    Datte: 10/05/2021, Catégories: nonéro, Humour policier, aventure, Auteur: Anne Grossbahn, Source: Revebebe

    ... vas !
    
    J’évite une voiture qui vient en sens inverse, et j’entends de féroces coups de klaxon.
    
    — Quel cornichon ! dis-je.
    — Le cornichon roulait à droite, soupire Cheryl en bouclant sa ceinture de sécurité.
    
    Je me mords la langue pour éviter d’être désagréable.
    
    — On va où, là ? Chez toi ?
    — Mais non ! Surtout pas chez moi !
    — Bon. Où, alors ? Au bureau ?
    — Marielle ! Tu le fais exprès ou quoi ? Chez toi, ça va pas ?
    — Chez moi ?
    — Je ne vais pas aller comme ça au bureau, non ?
    — Oui, t’as raison. Mais chez toi, tu…
    — Mais non !
    
    Bon. Elle ne veut pas aller chez elle. Elle est sale et mouillée, avec son blouson, un pantalon de toile brune à larges poches appliquées, et un chemisier beige maculé de boue. Exactement les vêtements qu’elle portait la veille, si ma mémoire ne me trahit pas.
    
    — OK, dis-je. Allons chez moi.
    
    En chemin, je tente de lui poser des questions, mais elle répond évasivement, à coups de « plus tard », « laisse-moi récupérer », ou « je t’expliquerai une fois qu’on sera au calme ». C’est vrai que dans la voiture, c’est loin d’être calme. Ma Renault est devenue un palais du courant d’air, avec entrées d’eau à l’avenant. La note va être salée, et j’envisage de demander à Cheryl si elle compte m’indemniser pour les dégâts, mais j’hésite un peu à aborder immédiatement le sujet, pressentant que le moment est mal choisi pour lui poser la question.
    
    -oOo-
    
    Pauline est déjà partie au boulot, et la cuisine n’est pas trop en désordre. Je ...
    ... démarre un pot de café, espérant qu’il ne sera pas trop infect, ramasse quelques vêtements qui traînent et fais un peu de rangement, pendant que Cheryl se douche. Lorsqu’elle revient, vêtue d’une sortie de bain en tissu éponge, je suis en train de vider les poches de son pantalon.
    
    — Qu’est-ce que tu fais ?
    — Je vide tes poches, dis-je en étalant leur maigre contenu sur la table du salon. On va laver tout ça.
    — C’est pas la peine, va !
    — Tu vas pas remettre tes vêtements comme ça !
    
    Un mouchoir de poche et un peu de monnaie atterrissent sur la table, bientôt suivis par deux autres objets qui m’intriguent aussitôt : des clés USB.
    
    — Ouah ! fais-je. Des huit gigas !
    — Oui.
    — C’est pratique, ces trucs-là. J’en ai aussi, mais de moins grosse capacité.
    
    Cheryl hoche la tête.
    
    — Oui, c’est bien pour trimbaler des fichiers, des textes, et tout ça, admet-elle.
    — Ou des photos. Parce que, avec deux fois huit gigas, on a de quoi voir venir !
    — En effet. Heu… tu as du café ? demande-t-elle avec témérité.
    — Oui. Il est prêt. Excuse-moi. Je cause, je cause…
    
    Nous nous asseyons au salon, de chaque côté de l’élément de coin, avec nos genoux qui se touchent presque, et avalons à petites gorgées le liquide brûlant. Cheryl semble vachement inquiète, et je me demande si ce n’est pas à cause de mon café. Il me semble cependant que le moment est venu de tenter de lui arracher quelques confidences, quitte à la menacer d’une seconde tasse.
    
    — Eh bien, dis-je doucement, il me ...
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