1. Mon patron, cet abruti (4 / 7)


    Datte: 10/05/2021, Catégories: nonéro, Humour policier, aventure, Auteur: Anne Grossbahn, Source: Revebebe

    ... hurle Cheryl.
    — Faut faire un constat ! je dis.
    — Mais on s’en fout, du constat ! Tu vois pas que ce cinglé veut nous faire la peau ?
    — Tu crois ? dis-je en accélérant.
    — T’es vraiment blonde, toi !
    — Ah mais ! Ça suffit, hein !
    
    Je freine à bloc. Je me dis que c’en est trop, et qu’elle exagère avec ses airs supérieurs. Derrière, il y a un choc violent quand l’autre vient nous emboutir. Ma voiture est propulsée vers l’avant, puis s’arrête sur le bas-côté, à deux mètres d’un arbre.
    
    — Mais enfin ! Roule, quoi ! ordonne Cheryl après avoir regardé derrière.
    — Pas question ! C’est dangereux et…
    — Verrouille tes portes ! Vite !
    
    Elle est tellement excitée, et semble avoir si peur que j’obéis et - chose incroyable - trouve instantanément le bouton de verrouillage et pousse dessus. Une seconde et demie plus tard, une grosse patte s’abat sur la poignée de porte et la secoue pour tenter de l’ouvrir. Je vois à travers la vitre le visage grimaçant du concierge de l’immeuble qu’occupe Darville Printing.
    
    — Démarre ! hurle Cheryl.
    
    Je lance le moteur qui avait calé, remets la première et tente de démarrer. Les roues patinent, et la voiture bouge à peine, alors que Devreux a fait le tour pour secouer la portière du côté du passager.
    
    — Il pousserait pas, lui, au lieu de tirer ? je grommelle.
    
    Cheryl me secoue le bras.
    
    — Démarre ! Grouille !
    
    Devreux a lâché la poignée, je le vois qui se baisse pour ramasser quelque chose. Au moment où il balance la pierre et que ...
    ... Cheryl se protège la tête des deux bras, la voiture démarre dans un boucan d’enfer. La vitre vole en un millier de petits éclats, tandis que le gros caillou lancé par le concierge poursuit sa course à l’intérieur de l’habitacle, heurte mon appuie-tête et traverse la vitre arrière gauche. Inutile d’insister : je comprends l’urgence et m’empresse d’écraser le champignon. La vieille Renault bondit de toute la puissance de ses vieux bourrins fatigués, et c’est la première fois de ma jeune existence que j’entends crisser sur l’asphalte les gommes d’une bagnole dont je tiens le volant. J’ai aussi l’impression que c’est la dernière fois, tant le paysage défile rapidement !
    
    — Pas si vite, me crie soudain Cheryl, tu vas nous tuer !
    — Pas question ! Il est dingue, ce mec !
    
    Cheryl se retourne.
    
    — Mais il nous suit plus, saperlotte !
    — T’en es sûre ?
    — Mais oui !
    
    Je ne ralentis pas pour autant.
    
    — Ralentis, merde !
    — Faudrait savoir ce que tu veux, et…
    — C’est pas possible ! pleurniche Cheryl, au bord de la crise de nerfs.
    
    Je me rends soudain compte que je suis probablement en train de l’agacer un tout petit peu, alors je fais un effort et je ralentis l’allure. Cheryl se retourne à nouveau, puis me regarde et me lance :
    
    — OK, il n’est plus là. Il a pas pu redémarrer, ce salaud.
    
    Elle a l’air mal en point. Ses vêtements sont souillés de boue, trempés par la pluie, et ses cheveux lui collent au front.
    
    — Qu’est-ce qui t’arrive ? je demande.
    — Hé ! Regarde où tu ...
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