1. Mon patron, cet abruti (4 / 7)


    Datte: 10/05/2021, Catégories: nonéro, Humour policier, aventure, Auteur: Anne Grossbahn, Source: Revebebe

    ... disant « On m’attend ». Il peut lui être arrivé quelque chose hier, peut-être loin d’ici.
    — Je vais jusque-là, annonce Axel en enfilant son blouson.
    
    Je le regarde sortir, puis plonge dans mes papiers. Ce n’est pas grave, me dis-je. Cheryl Lang va sans doute arriver dans cinq minutes, sourire aux lèvres, en s’excusant pour sa panne d’oreiller, ou pour sa batterie de portable complètement déchargée, ou pour avoir omis de nous avertir de sa visite annuelle chez sa gynéco, ou…
    
    Une petite musique interrompt mes pensées. Dans mon sac, mon GSM annonce la réception d’un message, et je sors l’engin pour en prendre connaissance. Le SMS est de Cheryl !
    
    Je frémis en lisant ces quelques mots. J’entends la voix de François :
    
    — C’est Cheryl ?
    — Co… comment ? je réponds bêtement.
    — C’est pas Cheryl ?
    
    Je me ressaisis.
    
    — Quoi ? Le message ?
    
    Je le vois hocher la tête.
    
    — C’est ma sœur, dis-je en prenant un air que j’espère détaché.
    
    Quelques minutes plus tard, je sors du bureau, et vais m’enfermer dans les toilettes. J’appelle aussitôt Cheryl. Sa voix n’est qu’un murmure :
    
    —T’es au bureau ?
    — Dans les toilettes. Qu’est-ce qui t’arrive ?
    —Trop long à expliquer. Faut que tu viennes me chercher, avec ta voiture.
    — Où ça ?
    —Bois des Tourelles. Prends la petite route qui fait le tour. Suis-la, roule lentement, et fais plusieurs fois la boucle s’il le faut. Je te trouverai.
    — Oui, mais…
    —Je dois couper. Ne parle à personne chez Darville. Viens, s’il te ...
    ... plaît.
    
    Sa voix n’est qu’un murmure, mais j’entends son souffle oppressé, son débit haché.
    
    — T’es en danger ?
    —Oui. Fais gaffe à toi.
    
    Elle coupe la communication. Je reste à m’interroger sur la conduite à tenir. Il faut que je file en douce, mais comment, sans attirer l’attention ? Je me décide pour la méthode fonceuse : je regagne le bureau, prends ma veste et mon sac et jette à François :
    
    — Je reviens tout de suite !
    
    Je me retrouve rapidement dans le couloir, et dévale l’escalier plutôt que d’attendre l’ascenseur. Dans le hall d’entrée, je croise Axel.
    
    — Tu pars ? s’étonne-t-il.
    — Je reviens. Suis mal garée !
    — Ah ?
    
    Juste comme je m’esquive, il me jette :
    
    — Cheryl n’est pas chez elle, apparemment.
    — M’en doutais !
    
    Je sors en vitesse, prenant à peine garde à sa mine franchement étonnée et aux regards d’incompréhension qu’il échange avec Chantal.
    
    -oOo-
    
    Le Bois des Tourelles est situé à proximité du quartier où je travaille, au milieu de plusieurs zones urbaines, sorte de chancre végétal tentant vilainement de nuire au règne du roi Béton. Malgré les efforts déployés par plusieurs générations d’industriels ambitieux, d’architectes mégalomanes et de politiciens têtus, l’infection résiste, soutenue à coup d’entraves et de procès par toute une racaille d’écologistes bêlants et de gagas de vieux cailloux empêchant qu’on élimine définitivement les restes des quelques tourelles à moitié en ruines disséminées de-ci de-là au sein de l’infâme espace ...
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