1. Ce diable d'homme !


    Datte: 03/05/2021, Catégories: portrait, Humour Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe

    ... mourir.
    — Mais nous on a peur, tonton !
    — Ne vous inquiétez pas : vous savez bien que je suis immortel.
    — On dit ça. Tu vas arrêter quand ta grève, tonton ?
    — Bientôt. Vous savez que parfois dans la vie, on doit faire des choses pas nécessairement agréables.
    — Mais d’autres pourraient faire la grève à ta place : François, ou Jean. Ils sont jeunes, ils sont forts et gras. Ils pourraient se passer de manger. Même que ça ferait du bien à François.
    — Oui, mais justement : ça ne serait pas pareil parce qu’ils sont forts et gras, justement…
    — C’est toujours compliqué avec toi, tonton…
    — Mes petites chéries, si vous saviez comme ça me désole de vous faire subir ça. Pendant que je suis absent, François va prendre soin de vous. Je peux compter sur toi, l’Ogre ?
    
    François répond qu’il soignera Marie et Marie comme ses propres nièces.
    
    Les jours passaient. Avec une paisible obstination, Jean-Marie continuait de se suicider. Son état de santé devint si alarmant que le pouvoir politique fut heureux d’en prendre prétexte pour rendre la liberté à cet encombrant prisonnier.
    
    Nous tentions en vain de forcer la volonté de cette ...
    ... ombre d’homme que les médecins nourrissaient désormais au moyen de sondes.
    
    — Tu as entendu ? Si Mitterrand est élu, c’en est fini de la peine de mort…
    — Est-ce que le décret d’abolition est signé ?
    — Non, mais…
    — Pas de mais.
    
    Pour nous tous, les jours de liesse de mai quatre-vingt-un, l’élection de François Mitterrand, garderont toujours un goût de cendre. À l’annonce du résultat, Jean-Marie avait rompu enfin le jeûne mais il était trop tard pour lui.
    
    Le dernier acte, la dernière image restent pour moi le cortège des amis et des admirateurs et cette banderole que nous arborons : « Nous enterrons la dernière victime de la peine de mort ».
    
    Marie et Marie, trop hébétées de chagrin pour pleurer, ont suivi la cérémonie au sein d’une sorte de nuage opaque ; incrédulité et naïve colère mêlées : « il nous avait promis de ne pas mourir ! »
    
    François qui de sa vie ne s’est jamais dérobé aux devoirs de l’amitié est auprès d’elles. Il oublie sa propre peine pour se consacrer totalement aux « deux orphelines » comme il les appelle.
    
    Finalement, elles reconstitueront avec lui les relations qu’elles entretenaient avec Jean-Marie. 
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